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Mecapro a spolié ses travailleurs

Mecapro SA a fait travailler ses 25 employés en octobre, tout en sachant que la faillite était imminente

Alors que les travailleurs de Mecapro ont produit des pièces pour un client en octobre, ils n'ont touché aucun salaire. Leur patron a empoché le paiement de la commande, a licencié ses employés et a annoncé le dépôt de bilan le 29 octobre. Or, en septembre déjà, Unia était intervenu pour éviter cette situation, mais avait été éconduit. Le syndicat soupçonne aussi l'employeur d'avoir transféré du matériel en douce à son autre société en Valais, SOEW, en plus de son fichier clients.

Les travailleurs avaient préparé une «haie du déshonneur» devant le Tribunal d'arrondissement du Nord-vaudois à Yverdon jeudi dernier. La Cour devait examiner la demande de mise en faillite de Mecapro, entreprise sise à Penthalaz près de Cossonay. Mais le patron de l'entreprise, Olivier Sommer, était passé par la petite porte. Et pour cause! Il avait licencié l'ensemble de ses 25 employés le 29 octobre, leur annonçant qu'il ne pourrait pas verser leurs salaires du mois d'octobre, ni la moitié du 13e salaire 2008 qu'il leur devait depuis la fin de l'année passée. Or, en septembre, il leur avait promis de les payer grâce à une nouvelle commande. Les ouvriers ont donc travaillé d'arrache-pied durant ce mois ¬- ceux qui avaient programmé des vacances ont même été contraints d'y renoncer. A la fin de l'exercice, la société a empoché le paiement des pièces de machines fabriquées par les employés, mais n'a pas versé les salaires, indique Unia. Elle a déposé le bilan. «Nous ne savons pas où est parti l'argent, mais selon toute vraisemblance une fraction a servi à payer les arriérés des charges sociales que le patron n'avait pas versées aux caisses pendant six mois», précise Yves Defferrard, responsable de l'industrie à Unia Vaud. «En ne s'acquittant pas de ces charges, pourtant déduites du salaire des travailleurs, l'employeur risquait un procès pénal. Il a préféré sauver sa peau, alors qu'il avait fraudé, que celle de ses employés, qui se retrouvent aujourd'hui dans une situation des plus précaires», poursuit le syndicaliste.

Le patron vire le syndicat
Pourtant, Olivier Sommer disposait d'une sortie de secours plus honorable à la fin septembre. Mandaté par les employés, Unia était intervenu auprès de lui, en lui proposant d'examiner la situation financière de Mecapro afin d'étudier la possibilité de faire intervenir d'autres entreprises partenaires d'Unia, pour sauver la société ou la reprendre, ceci dans le but de préserver les emplois. Au pire des cas, le patron aurait pu demander la faillite en septembre, pour assurer le paiement des salaires. Au lieu de cela, il a ordonné au secrétaire syndical de quitter les locaux de son entreprise, puis a eu recours à un chantage auprès des employés: «Il nous a dit: si vous ne retirez pas le mandat de représentation au syndicat, je ne verse pas les salaires de septembre», raconte l'un d'eux. Les salariés ont cédé. Fin octobre, il était trop tard...

Plus que quelques francs
A l'extérieur du tribunal, pancartes et drapeau Unia à la main, les travailleurs ont témoigné de leur situation aux médias: «A fin octobre, il me restait 8 francs sur mon compte. Heureusement, les services sociaux m'ont avancé 200 francs pour survivre avec ma femme et mes deux enfants. Aujourd'hui, il nous reste 20 francs», déclare l'un d'entre eux. Certains puisent dans leurs économies, d'autres s'endettent, comme cet apprenti de 19 ans: «Je suis obligé d'emprunter à mes amis. Cette tuile m'arrive au pire moment, mes examens sont dans cinq mois, et j'ai besoin de pratiquer pour les réussir», s'inquiète-t-il.

Transfert secret de matériel
Face à la Cour, Olivier Sommer a nié avoir transféré du matériel, outils et matières premières, à son autre entreprise qu'il possède en Valais, la société SOEW, comme l'avait dénoncé Unia. Les travailleurs et le syndicat l'avaient pourtant surpris en «flagrant délit» alors qu'ils surveillaient le site début novembre: «Il a fait trois allées et venues avec du matériel ce matin-là», assure Yves Defferrard. Mais la juge n'a pas été plus loin et s'est satisfaite de la réponse partielle, et manifestement fausse de l'intéressé: «Je voulais vendre du matériel à la société partenaire SOEW pour faire entrer des liquidités à Mecapro. Mais, j'ai renoncé à le faire lorsqu'un représentant d'Unia m'a interpellé sur le site.»
Le syndicat soupçonne fortement l'employeur d'avoir déplacé une bonne partie du matériel en Valais. Nombre de salariés supposent aussi qu'Olivier Sommer mettra le fichier clients de Mecapro à disposition de son autre société, active dans le même créneau, de même que les procédés et les programmes informatiques de la société. Quant à la justice, elle prononcera sans doute la faillite très prochainement.
Aujourd'hui, Unia suit de près le dossier, et accompagne les travailleurs dans leurs démarches auprès de la Caisse d'insolvabilité, de l'Office de l'emploi et de l'aide sociale. Elle demandera à l'Office des faillites de faire une enquête sur le transfert présumé du matériel et continuera à réclamer les arriérés de salaire au patron. Affaire à suivre.

Christophe Koessler