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Le cœur au travail: malmené, oublié et non reconnu

Quelle est la réalité des risques cardiaques dans les entreprises? Combien d’accidents vasculaires peuvent être attribués aux conditions de travail? En France comme en Suisse, cet aspect de la santé lié à une activité professionnelle reste invisible

C'est une double peine pour les salariées et les salariés exposés aux risques cardiaques du fait de leurs conditions de travail: toutes les campagnes de prévention officielles mettent en avant les risques liés au tabac, à l’alcool, à l’hygiène de vie, etc. Exit les milliers de victimes dont le cœur a brusquement cessé de battre du fait d'un stress intense, de variations climatiques, de chutes, d'heures à rallonges, de sous-effectifs... Tous les métiers sont concernés.

Les grands absents de la prévention

Qu’en est-il des conditions de travail qui sont à l'origine d'un nombre important d'infarctus? Absence de traces statistiques, invisibilité inquiétante pour les travailleurs de tous les secteurs professionnels.

Pour en savoir davantage, nous avons contacté divers offices concernés par la problématique. Le seul à avoir donné un suivi à notre demande est le Service des risques professionnels de l'assurance maladie en France. Il a d’abord avancé les difficultés de recherche sur les accidents cardiaques répertoriés dans les entreprises, «recherches qui exigent du temps». Le temps s'avère long. Ponctué de relances, le service répondra pour conclure que «nous ne produisons pas ces données»... Une carence reconnue par des spécialistes des maladies et des accidents professionnels: «Le système de reconnaissance de l'assurance maladie est non représentatif des risques au travail.»

Les données? Pour la France, ce sont les médecins du travail, en particulier du Bâtiment et des travaux publics (BTP), qui révèlent comment les risques cardiovasculaires nombreux, voire majoritaires, dans ce secteur sont enregistrés dans le cadre des déclarations d'accidents du travail. Ceux-ci, selon la législation française, sont «des événements soudains et à l'origine de dommages corporels ou psychologiques survenus lors du temps et à l'occasion du travail». Pour les infarctus et autres cardiopathies survenant sur les lieux du travail, «ils apparaissent sous la terminologie de “malaises”», nous affirme la Dre Armelle Sabathier1, médecin du travail dans le BTP, secteur qui serait proportionnellement «le plus grand pourvoyeur de “malaises” d'origine cardio-vasculaire».

Elle s'en réfère aux chiffres de 2021 de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM): 645 accidents de travail mortels tous secteurs d'activité confondus dont 56% par «malaises». Pour le BTP, 126 accidents de travail mortels dont 40% par «malaises».

A noter, ajoute-t-elle, qu’il n’existe qu’une seule maladie professionnelle relative à des problèmes cardiaques en France, soit celle en lien avec une exposition à des produits chimiques (usine de fabrication d'explosifs).

Facteurs de risque influencés par le travail

En Suisse, environ 250000 accidents du travail sont recensés chaque année. Comme l'indique Jean-Luc Alt, porte-parole de la Suva: «L'accident est l'atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique mentale ou psychique ou qui entraîne la mort. Les angors et infarctus ne remplissent pas la définition de cause extraordinaire pour être considérés comme des accidents. Pour qu'un décès à la suite d’une maladie cardiaque soit considéré comme une maladie professionnelle, il faut que la cause de la maladie soit imputable totalement ou de manière prépondérante à l'activité professionnelle. A l'exception préventive pour deux catégories de population avec un sur-risque: le travail à la chaleur et le travail en plongée.»

Médecin du travail, le Dr Tomas Jara, chef de clinique adjoint à Unisanté à Lausanne, établit, selon la littérature scientifique, les liens de causalité entre les maladies cardiovasculaires et les expositions professionnelles aux hydrocarbures et aux solvants, certains métaux, le bruit et les vibrations, les facteurs de risques psychosociaux, dont le stress, le travail de nuit, le travail posté et la sédentarité au poste de travail. Il rappelle que «les facteurs de risques comme la mauvaise alimentation, le manque d'activité physique, le tabagisme et l'usage nocif de l'alcool peuvent être influencés par le contexte professionnel.» A l'instar de ses collègues pluridisciplinaires, il explique participer «à l'élaboration du concept santé et sécurité au travail (MSST) dans ce domaine, pilier fondamental obligeant les employeurs à des mesures préventives. Pour les risques cardiovasculaires, les protocoles d'urgence incluent les défibrillateurs automatiques. Les électrocardiogrammes (ECG) sont exigés pour certains métiers comme la conduite des voies ferrées, par exemple.»

Néanmoins, si ces exigences de prévention sont inscrites dans les règlements, l'identification des risques cardiaques en milieu professionnel ne figure pas dans les statistiques de l’assurance accidents2 (LAA).


1 Médecin ayant participé à Cœur et Travail, ouvrage collectif sous la direction de Bernard Pierre, cardiologue, aux Editions Frison-Roche.
2 unfallstatistik.ch/f/index_f.htm (page 53).

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