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La retraite nous concerne tous, de 25 ans à la mort!

Ancien syndicaliste et conseiller aux Etats, Michel Béguelin s'insurge contre la division entre actifs et retraités

La votation du 7 mars sur la baisse des rentes du 2e pilier concerne autant les actifs que les retraités, car il s'agit d'une étape importante pour la défense de nos retraites, mises à mal par la droite, les assureurs et le Conseil fédéral, estime Michel Béguelin, coprésident de la commission des retraités de l'USS. Il met aussi en avant le fait que la baisse du taux de conversion viole la loi sur la prévoyance professionnelle et remet en cause la confiance dans le 2e pilier.

Si elle était acceptée par le peuple, la baisse du taux de conversion dans le 2e pilier toucherait les salariés arrivant à la retraite en 2015. Cette baisse de 6,8% à 6,4% aura comme conséquence une diminution de leurs rentes de 10%. Par contre, les personnes déjà à la retraite ne seront pas directement touchées par cette mesure. Pourtant, les retraités des syndicats ont été parmi les plus actifs dans la campagne de récolte de signatures sur le référendum contre cette baisse des rentes au printemps 2009. Et ils s'engagent pleinement dans la campagne pour la votation du 7 mars prochain. Les raisons de cet engagement avec Michel Béguelin, ancien syndicaliste cheminot au Syndicat du personnel des transports (SEV), ancien conseiller aux Etats socialiste et actuel coprésident de la commission des retraités de l'Union syndicale suisse (USS).

En quoi les personnes actuellement à la retraite sont-elles concernées par la baisse du taux de conversion?
Les retraités sont des citoyens à part entière! Je suis scandalisé lorsque certains laissent entendre que les retraités actuels ne sont pas concernés par la votation du 7 mars, sous-entendu qu'ils n'ont pas besoin d'aller voter! Les retraités votent sur tout ce qui les intéresse et en particulier sur le 2e pilier, car la prévoyance professionnelle concerne les travailleurs depuis l'âge de 25 ans jusqu'à leur mort. On ne peut pas séparer les actifs des retraités, la prévoyance vieillesse est un tout que l'on doit défendre. De plus, nous avons tous des enfants, des petits-enfants et de la famille, c'est honteux de dire que cela ne nous concerne pas!

Selon vous, la baisse du taux de conversion viole la Loi sur la prévoyance professionnelle (LPP). Pouvez-vous expliquer cela?
L'article 66 de la LPP prévoit un financement paritaire du 2e pilier, par les employés et les employeurs. Or la baisse du taux de conversion ne touche que les employés. C'est une claire violation de la loi. Et cela pour la deuxième fois. La première baisse du taux de conversion, débutée en 2005, touche elle aussi uniquement les salariés. A l'époque, les syndicats ne l'avaient pas combattue car elle permettait de compenser la hausse de l'espérance de vie. Mais cette première mesure est largement suffisante, il n'y a pas lieu d'abaisser à nouveau le taux de conversion. Nous verrons bien dans 5 ou 10 ans s'il faut faire quelque chose, mais si c'est le cas, les employeurs devront aussi passer à la caisse, par une hausse des cotisations identique à celle des employés.

Vous estimez que la confiance dans le 2e pilier commence à vaciller?
La droite nous dit que le 2e pilier est solide, qu'on doit lui faire confiance. Mais comment avoir confiance dans un système où le capital des caisses s'accumule sans cesse et où les prestations diminuent? Ce capital s'élève aujourd'hui à 660 milliards, soit 120% du PIB helvétique. Du jamais vu à l'échelle mondiale! Ce capital augmente d'environ 30 milliards par an et la droite dit qu'il faut baisser les prestations. C'est un raisonnement catastrophique qui ne peut que mettre en péril la confiance dans ce système. Malgré cela, le Conseil fédéral suit et même précède les assureurs privés, seuls bénéficiaires de la baisse du taux de conversion. C'est proprement scandaleux.

De nombreux retraités n'ont pas les moyens de vivre dignement de leurs rentes AVS et du 2e pilier. Selon Unia, un retraité sur sept vit en dessous du seuil de pauvreté...
Ce nombre risque bien d'augmenter si nous ne nous opposons pas fermement aux mesures prises par nos dirigeants. Aujourd'hui par exemple, alors que la moitié des caisses de pension ont un taux de couverture inférieur à 100%, l'Office fédéral des assurances sociales (Ofas) promeut une règle qui n'est pas inscrite dans la loi: les caisses n'ayant pas un taux de couverture de 115% ne doivent pas verser la compensation du renchérissement. Le conseiller fédéral Merz applique ce principe aux caisses de pension des entreprises fédérales: La Poste, Ruag, les CFF. Depuis 2004, par exemple, les rentes de la caisse CFF ne sont plus indexées et ne le seront pas jusqu'en 2019 au moins. Cela signifie qu'avec l'inflation attendue pour contrer l'endettement public résultant de la crise financière, les retraités des entreprises publiques risquent de perdre jusqu'à 20 ou 25% de leur pouvoir d'achat d'ici à 2019... Merz est en train d'imposer cette règle à travers l'exemple du plus gros employeur du pays, et on sait bien qu'elle sera reprise par le privé. Merz est encore plus insidieux: il s'arrange pour qu'un maximum de tâches sociales soient reportées sur les cantons et les communes. Tous ces retraités dont le pouvoir d'achat va baisser risquent d'être obligés de recourir aux prestations complémentaires et à l'aide sociale. Dans 5 ou 6 ans, il n'y aura pas un retraité sur sept sous le seuil de pauvreté, mais un sur six, et dans 10 ans, un sur cinq...

Pourquoi est-il important pour les retraités d'aller voter NON le 7 mars?
Parce que l'on votera sur une pièce d'un puzzle. Si le oui devait l'emporter, cela constituerait un véritable appel d'air pour continuer à démonter notre système de retraite. Il existe du côté de la droite une planification systématique pour sabrer dans le 2e pilier, et les attaques contre l'AVS vont continuer. C'est pourquoi les retraités doivent s'engager à fond pour soutenir la qualité du 2e pilier. Je les invite à remplir leur devoir de citoyen, en allant voter, et leur devoir de solidarité en déposant un NON vigoureux dans l'urne le 7 mars.

Propos recueillis par Sylviane Herranz