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La Coupe jusqu'à la lie...

Au lendemain de la Coupe du monde de football, l'Oseo a évalué les retombées de cet événement pour la population sud-africaine.

Quelques mois après le Mondial, l'heure est au désenchantement. Fausses promesses, pronostics trop optimistes, espoirs déçus: l'étude relative aux effets de cet événement, menée par Eddie Cottle, collaborateur de l'Œuvre suisse d'entraide ouvrière (Oseo) en Afrique du Sud, se révèle accablante. Car si la rencontre a débouché pour la Fifa et ses partenaires sur un immense succès commercial - avec une hausse des bénéfices de 50% par rapport à ceux engrangés lors de l'édition 2006 - la population n'a pas profité de la manne qu'on lui avait fait pourtant largement miroiter. Et, cerise sur le gâteau, la Fifa et ses acolytes n'ont pas payé un centime d'impôt sur leurs gains. Privilège négocié au préalable avec le Gouvernement qui lui coûte aujourd'hui très cher, ce dernier ayant largement sous-estimé la facture de la Coupe. Evaluées à 321 millions de francs, les dépenses se sont finalement élevées à 5,5 milliards! Et en lieu et place du bénéfice de 700 millions de francs escompté, l'exercice boucle avec une perte de 2,8 milliards.

Pas même les miettes
Un bien sombre bilan pour la population, grugée sur tous les tableaux ou presque... «Contrairement aux projections officielles, le Mondial n'a pas généré de places de travail nouvelles et durables. A la fin juillet, le nombre d'emplois a diminué de 4,7% par rapport aux mêmes mois de l'année précédente. Dans le secteur de la construction, 111'000 emplois ont disparu entre juin 2009 et juin 2010» est-il précisé dans la synthèse du rapport de l'Oseo. Si les cinq plus grandes entreprises de la construction en Afrique du Sud ont, grâce à la Coupe, vu leurs bénéfices exploser - 110 millions de francs en 2004 contre 1,4 milliard en 2009 - les ouvriers n'ont même pas eu droit aux miettes du gâteau. Et ont dû mener 26 grèves locales et une nationale pour arracher une augmentation couvrant à peine le renchérissement du coût de la vie. Un travailleur du secteur devrait courber l'échine 285 ans pour gagner ce qu'un directeur a touché en un an!

Des quartiers rasés
Les Sud-Africains n'ont pas pu davantage profiter des matchs, en raison de la cherté des billets additionnée au coût des trajets. Seules 11300 entrées ont été vendues à des supporters locaux. L'étude de l'Oseo souligne par ailleurs que, dans plusieurs villes, des quartiers entiers ont été rasés pour construire des infrastructures ou pour des raisons d'image. Selon l'Onu, au moins 20000 personnes ont été expulsées de leur logement et parquées dans des bidonvilles. Les pronostics liés au nombre de touristes se sont en outre révélés trop ambitieux, avec 23% de visiteurs de moins qu'espéré. Quant aux dix stades construits ou agrandis pour l'événement, trois d'entre eux, surdimensionnés, ne pourront être utilisés sans engendrer de nouveaux coûts. Ces infrastructures géantes ont été réalisées sous la pression de la Fifa et contre l'avis de la Fédération sud-africaine de football, de représentants de ligues et de cricket.

20 millions de pauvres
Autant dire que l'après-Coupe laisse un goût amer dans un Etat où, selon les statistiques de l'Onu, 20 millions de personnes vivent dans la pauvreté, où le taux de chômage s'élève à 40% et où l'espérance de vie a reculé de 62 ans en 1990 à 51 ans en 2010. Le gouvernement de Pretoria a par ailleurs estimé que 12 millions de Sud-Africains auraient besoin d'un logement. Sans oublier la progression de la mortalité enfantine, du nombre d'orphelins en raison du sida... Dans ce contexte, souligne en substance Joachim Merz, responsable du programme de l'Oseo en Afrique du Sud, les milliards investis en vue du Mondial auraient pu être utilisés pour diminuer la pauvreté et le nombre de personnes sans toit. «Au lieu de cela, les pouvoirs doivent maintenant réduire leurs dépenses sociales.» Quant à la population, elle pourra toujours souffler dans les vuvuzelas, mais cette fois pour exprimer son désarroi...


Sonya Mermoud