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De l'assurance à l'assistance

Sous couvert d'économies, la révision de l'assurance chômage va pousser nombre de sans emplois vers l'aide sociale

Le ton monte du côté des villes et de certains cantons pour s'opposer à la révision de la loi sur l'assurance chômage. Cette dernière aura comme conséquence un transfert massif de charges de la Confédération sur les collectivités publiques. Et ne réglera en rien la situation financière de cette assurance destinée à parer au manque de travail lors des baisses de conjoncture.

«Paradoxalement, les milieux libéraux ayant imposé leur moratoire social il y a quelques années, par la réduction des cotisations sociales, poussent à l'étatisation de l'aide sociale! Alors qu'auparavant il était convenu que les risques sociaux étaient gérés par les partenaires sociaux et les assurances sociales.» Voici en substance ce qu'a déclaré Pierre-Yves Maillard, conseiller d'Etat vaudois en charge de la santé et de l'action sociale, jeudi dernier lors d'une conférence de presse de spécialistes des institutions sociales, organisée par l'Union syndicale suisse. A ses côtés, Edith Olibet, membre de l'Exécutif de la ville de Berne et du bureau de l'association «Initiative des villes: Politique sociale», et Walter Schmid, président de la Conférence suisse des institutions d'action sociale (CSIAS). Tous se sont prononcés pour un rejet clair et net de la 4e révision de la Loi sur l'assurance chômage (Laci), qu'ils jugent antisociale et qui va, sous couvert d'assainissement, reporter les coûts économisés sur les villes et les cantons.

Transfert massif des charges
«Ce qui est insupportable, c'est le discours de Madame Leuthard et de ses collaborateurs qui n'ont pas le courage de dire ce qu'ils font. A chaque révision d'une assurance sociale, il y a un transfert massif des dépenses du régime des assurances sociales fédérales sur l'assistance sociale publique» a tonné Pierre-Yves Maillard, chiffres de son département à l'appui. Ainsi, dans le canton de Vaud, le nombre de personnes à l'aide sociale a presque doublé en 16 ans. Et, les conséquences des baisses de prestations lors de la 3e révision de la Laci depuis 2003, et celle de l'assurance invalidité en 2007, font que ce nombre continue à augmenter, malgré la baisse du chômage enregistrée entre 2005 et début 2008. «Ces dames et messieurs à Berne disent que seuls 15% des fins de droits tombent à l'aide sociale. Or la réalité est tout autre. Les chômeurs en fin de droits n'y basculent pas du jour au lendemain, mais après quelques mois, car ils doivent d'abord puiser dans leur "fortune". Pour toucher l'aide sociale dans le canton de Vaud, une personne seule ne doit pas avoir plus de 4000 francs de fortune et 10'000 francs pour un couple.»
Le conseiller d'Etat estime que le transfert des charges de la révision de la Laci sur l'aide sociale vaudoise sera de 100 millions de francs à l'horizon 2012 ou 2013. «Rapporté à la Suisse, ce transfert des coûts nous approche du milliard», a-t-il souligné «Nos communes, nos institutions publiques, sont arrivées à une limite. Nous voulons une vision globale de notre système» a-t-il ajouté.

L'exclusion sociale rend malade
Pierre-Yves Maillard a également évoqué les conséquences néfastes sur les personnes concernées d'un passage d'une assurance sociale, où les personnes sont dans une logique de cotisant, à l'aide sociale où elles tombent dans une logique d'assistance. «Les gens se dégradent, psychiquement, et l'exclusion sociale rend malade. Ce qui coûte aussi très cher. L'aide sociale n'est pas non plus structurée pour la réinsertion». Et de plaider pour un renforcement de l'assurance chômage, en matière de durée des indemnités et de formation professionnelle, pour permettre aux jeunes ou aux personnes plus âgées de ne pas être exclues des possibilités de réinsertion. «Il y a 20 ans, le régime d'aide sociale était un régime pour les marginaux. Aujourd'hui, c'est un régime de masse, mais c'est un «non-sujet» !» s'est-il encore indigné, alors que des solutions existent, comme le prouve le succès du programme mis sur pied dans le canton de Vaud pour sortir 2000 jeunes de l'aide sociale grâce à des mesures de formation professionnelle. «Continuer à démanteler les assurances sociales pour faire gonfler l'aide sociale n'est pas un bon deal, nous le refusons!» a-t-il conclu.

Assainir oui, mais pas comme ça
Pour sa part, Edith Olibet a rappelé l'opposition de l'Union des villes suisses à la révision de la Laci. Aujourd'hui déjà, a-t-elle précisé, le chômage ou l'insuffisance de ses prestations est l'une des principales raisons de s'adresser à l'aide sociale. «Environ un nouveau cas sur trois concerne des personnes au chômage ou arrivées en fin de droits». L'élue de la ville de Berne consent qu'il est nécessaire d'assainir l'assurance chômage, mais cela en «tenant compte de l'ensemble du système de sécurité sociale et en donnant voix au chapitre aux villes, où le taux de chômage est supérieur à la moyenne suisse».
L'expert Walter Schmid a lui aussi lancé un plaidoyer pour un assainissement durable de l'assurance chômage. Mais pas comme la Confédération le propose. La baisse des cotisations réalisée en 2003, sur la base d'hypothèses trop optimistes, a eu comme conséquence le creusement de la dette de l'assurance. «Le vieux principe selon lequel l'assurance chômage a le droit de s'endetter en périodes de crise, mais doit reconstituer ses réserves durant les phases de haute conjoncture, n'a pas été respecté», a-t-il dit en précisant que «la nouvelle révision reproduit ce type de comportement». Il s'est également élevé contre la diminution drastique des prestations prévues. «Il serait au contraire important de continuer sur la voie suivie avec succès durant plus de 15 ans et d'améliorer l'efficacité du service de l'emploi ainsi que l'intégration au travail» a-t- il souligné. Cela d'autant que, comme l'a relevé Pierre-Yves Maillard, «Madame Leuthard n'invente pas des jobs pour les fins de droits quand elle les sort du chômage.»

Sylviane Herranz