«Chasser d'Ukraine à jamais tous les tyrans»

Oligarques. On entend beaucoup parler en ce moment des oligarques russes, mais moins de leurs homologues ukrainiens, qui n’ont, pourtant, rien à envier à leurs grands frères. Comme en Russie, une poignée d’individus s’est enrichie dans les années 1990 en faisant main basse sur des entreprises d’Etat. Si l’on en croit la très drôle série Serviteur du peuple du président Volodymyr Zelensky, dont la première saison peut être vue sur arte.tv, le pays serait sous la coupe de trois oligarques. La fiction n’est pas très éloignée de la réalité puisque, selon un organisme d’investigation, les dix Ukrainiens les plus riches cumulaient en 2015, année de sortie de la série, pas moins de 13% du PIB du pays. Depuis, la concentration de la richesse a continué de s’accentuer. L’homme le plus riche d’Ukraine, Rinat Akhmetov, avait amassé 7,6 milliards de dollars l’année dernière, d’après le magazine Forbes. Actif dans l’immobilier, son fils a acquis récemment deux villas à Genève pour 104 millions de francs, a révélé Le Temps, après avoir déboursé 200 millions d’euros pour acheter la propriété la plus chère de France, à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Les oligarques et leurs proches apprécient l’Europe de l’Ouest. Qu’ils soient Russes ou Ukrainiens, ils envoient leurs enfants dans les mêmes écoles, à Londres et sur les bords du Léman, leurs yachts se croisent sur la Côte d’Azur et ils se retrouvent tous l’hiver à Courchevel. Au point que la presse ukrainienne avait qualifié le Covid de «virus de Courchevel» après que le gotha de l’Est s’est infecté en mars 2020 à «Kourchevelovo».

Guerre et misère. Pendant ce temps, un tiers de la population ukrainienne vivait sous le seuil de pauvreté avant le 24 février. Après l’attaque de l’armée russe, des millions d’autres vont les rejoindre dans la misère. Et, malheureusement, quel que soit le vainqueur de ce conflit, et il risque d’y en avoir aucun, la donne ne changera pas pour les travailleurs et les travailleuses. Les oligarques auront beau être russes ou ukrainiens, ils continueront à se gaver sur le dos des mineurs du Donbass, des ouvriers agricoles de Crimée ou des dockers d'Odessa. La guerre, c'est le massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent et ne se massacrent pas, disait Paul Valéry.

Makhnovtchina. Pour reconstruire l’Ukraine, la fraternité et la solidarité des salariés, c’est un autre avenir qu’il faut réinventer, sans oligarques, sans frontières ni guerres entre les peuples. A l’image de l’armée libertaire ukrainienne, qui, entre 1918 et 1921, durant la Makhnovtchina, s’opposa tout à la fois aux Blancs et aux Rouges et chercha, pour citer les paroles de la chanson écrite par Etienne Roda-Gil, à «chasser d'Ukraine à jamais tous les tyrans».