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Pause café militante avec Matteo Guagenti

Matteo Guagenti
© Thierry Porchet

Arrivé en Suisse à l’âge de 6 ans, en 1965, Matteo Guagenti a connu les conditions de vie modestes des immigrants italiens à cette époque, avant d’apprendre le métier de tôlier en carrosserie, puis de devenir syndicaliste.

De la Sicile à la Broye, entre débrouillardise et solidarité.

Quand il voit la manière dont on traite les migrants, Matteo Guagenti s’emporte: «Il faut arrêter de tout leur mettre sur le dos! Vu le taux de natalité en Europe, qui paiera nos retraites à l’avenir, sans les immigrés? Nous devons accueillir ces gens, mais il faut les former, puis leur donner du travail. Ensuite, ils s’intègrent très bien.» Ce retraité d’Unia sait de quoi il parle. Venu de sa Sicile natale à l’âge de 6 ans, en 1965, il a connu la Suisse des initiatives Schwarzenbach contre l’immigration, quand les Italiens étaient traités comme des moins que rien. «A l’école, il y avait parfois des réflexions. On nous appelait les Ritals, ou les Maguttes.»

Après avoir travaillé vingt ans comme secrétaire syndical dans diverses régions romandes, Matteo Guagenti, naturalisé Suisse depuis longtemps, a été élu il y a quatre ans à l’Exécutif de sa commune de la Broye vaudoise, Grandcour. Il nous reçoit dans la salle du Conseil communal de ce village de mille habitants, entouré de vastes étendues de champs. En parallèle à ses fonctions politiques, il donne aussi temporairement un coup de main au secrétariat régional d’Unia Genève trois jours par semaine, pour les secteurs industrie et tertiaire. Des mandats qu’il honore avec plaisir, toujours prêt à se mettre au service de la collectivité et du syndicat. 

Une mère dévouée 

Ecouter cet homme affable parler de son enfance – avec ce léger mélange d’accent italien et d’accent vaudois – fait revenir en tête des scènes du film Pain et chocolat, qui raconte les tribulations d’un saisonnier italien dans la Suisse des années 1970. Matteo Guagenti a 2 ans quand ses parents quittent l’Italie pour aller travailler à Bâle, dans l’hôtellerie, le laissant en Sicile aux soins de ses grands-parents agriculteurs. Ce n’est que quatre ans plus tard qu’il rejoint sa mère et sa sœur aînée, installées à Yverdon après que le père a abandonné sa famille à son propre sort. «En 1965, je suis venu en vacances avec mes grands-parents et à la fin du séjour, ma mère a dit: “Il reste ici.”» La famille vit alors dans un tout petit logement sans salle de bains, et avec les toilettes sur le palier. «A part la cuisine, il n’y avait qu’une pièce, se souvient-il. Ma mère et ma sœur avaient leur lit derrière un rideau et moi, je dormais sur le canapé.»

Un jour, alors qu’il a 10 ans, on frappe à la porte. Le garçon ouvre et se trouve face à un inconnu qui lui dit: «Tu ne sais pas qui je suis? Je suis ton père.» C’est l’un des rares contacts qu’il aura avec son géniteur durant sa vie. «Ma mère nous a élevés toute seule. Je pourrais lui ériger une statue! Elle ne gagnait pas beaucoup d’argent et faisait encore des travaux de couture le soir pour améliorer l’ordinaire.» Bien des années plus tard, Matteo Guagenti apprendra de la bouche d’un membre d’Unia, originaire du même village que son père, que celui-ci avait été le fondateur de la section locale du Parti communiste et avait combattu dans la Résistance durant la guerre. «Il faut croire qu’il était plus doué pour la politique que pour la famille… Ma mère m’a dit qu’il n’avait jamais de travail ni d’argent, mais qu’il était toujours en train de se disputer avec tout le monde à propos de politique.» 

Au travail dès l’adolescence

Le fils, lui, s’est mis à travailler assez jeune. «Ma mère n’avait pas les moyens de payer les 50 francs demandés pour aller en camp de ski avec l’école, raconte Matteo Guagenti. Alors j’ai commencé à faire des livraisons pour la boulangerie voisine de chez nous. Je livrais les croissants et le pain tôt le matin, avant d’aller à l’école, et aussi en fin de journée. J’avais un énorme vélo militaire et une hotte plus grande que moi sur le dos, rigole-t-il. Tout ce que je gagnais, je le donnais à ma mère.»

A 15 ans, il rêve de devenir dessinateur en bâtiment. Mais on est en pleine crise pétrolière et on n’embauche plus guère dans la construction. L’adolescent se tourne alors vers un apprentissage de tôlier en carrosserie chez un ami de son beau-frère. Un métier qu’il exercera pendant de longues années, notamment dans la région de Payerne, où il fait la connaissance de sa future épouse.

Premier combat syndical

Le virage vers le syndicalisme a lieu en 2001, alors qu’il travaille chez Castolin, une usine de soudures et de décapants de Saint-Sulpice. «Un jour, à midi, nous étions en train de manger avec les collègues quand on entend à la radio que la boîte va être rachetée et que le site de Saint-Sulpice va fermer. On a appelé les syndicats, et c’est là que j’ai fait la connaissance de Pierre-Yves Maillard, Yves Defferrard et Francis Saudan, qui étaient à la FTMH. Il fallait un volontaire pour le groupe de travail et les collègues se sont tournés vers moi.» Matteo Guagenti se souvient encore de la manière dont Pierre-Yves Maillard, actuel président de l’Union syndicale suisse, a fait pression à l’époque pour obtenir un plan social plus généreux: «Il a appelé la propriétaire de l’entreprise, qui vivait dans un château, et lui a dit qu’on viendrait tous pique-niquer sur ses pelouses!» 

Ça a marché, mais il n’empêche que l’usine a fermé. «Quand ça a été fini, j’ai dit à Pierre-Yves Maillard que maintenant, je devais chercher du travail, mais il m’a dit que ce n’était pas nécessaire, que je pouvais venir à la FTMH.» C’est ainsi que Matteo Guagenti est entré dans le syndicat, qui, après la fusion de 2005, est devenu Unia. «Je n’ai jamais regretté cette décision. Durant ma carrière, j’ai vu de nombreuses fermetures d’entreprises, mais j’ai aussi connu beaucoup de copains qui se sont battus pour les sauver.» 

Une vidéo de Thierry Porchet.

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