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Yves Patrick Delachaux croit en une seule race, l'espèce humaine

Nom: Delachaux. Prénom: Yves ou Patrick, selon que l'on souhaite s'adresser au flic ou au romancier. Profession: policier, formateur de jeunes recrues et responsable, au sein de la police genevoise, d'un programme d'éthique et de droits de l'homme. Appartenance politique: Pas d'étiquette. Croit en une seule race, l'espèce humaine. Situation familiale: marié, père de deux enfants. Signe particulier: manie la plume avec talent et a déjà publié deux romans inspirés de son vécu professionnel. Un parcours qu'il débute en 1992, dans le quartier populaire des Pâquis à Genève. Creuset multiculturel bouillonnant où entre familles défavorisées, jeunes migrants en voie de socialisation, parents en décalage, désœuvrement, petite délinquance... les problèmes s'additionnent. Alors que les outils pour les résoudre, essentiellement répressifs, montrent rapidement leurs limites. «Trait d'union entre des mondes qui ne s'accueillent pas», Yves Patrick Delachaux s'interroge: «Comment faire respecter des valeurs quand, du plus nanti au déshérité, les codes sont une géométrie variable?»

Sur la touche
Au constat forgé par des années de pratique succède la recherche de réponses. Yves Patrick Delachaux souhaite initier un travail avec les jeunes migrants. La rencontre avec l'association Mondial Contact permet de consolider l'idée qui débouche, en 2002, sur la réalisation du film «Pas les Flics, pas les Noirs, pas les Blancs». Signé Ursula Meier, ce documentaire met en scène un projet de médiation inédit entre la police et les communautés étrangères. Yves Patrick Delachaux y tient un rôle central avec son collègue Alain Devegney. Pas au goût de sa hiérarchie de l'époque qui défend une «vision totalitaire et sécuritaire de la police». Jugé trop progressiste, le flic acteur est mis sur la touche. Ses supérieurs lui demandent de terminer au plus vite ses études, Yves Patrick Delachaux ayant, dans l'intervalle, entrepris d'étoffer sa formation à la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation à Genève.

Coup de théâtre
Le policier ne s'en formalise pas. Depuis quelque temps, en porte-à-faux avec sa direction, l'envie de rendre l'uniforme le titille. Elle se fait d'autant plus pressante que son premier ouvrage, «Flic de quartier», doit prochainement sortir de presse. Mais, quelques jours avant sa parution, coup de théâtre: le chef de la police démissionne, l'Etat major est redistribué. La relève soutient pleinement Yves Patrick Delachaux dans sa démarche. Son livre cartonne. Même accueil chaleureux, en 2005, pour son deuxième roman, «Un flic à Bangkok». Deux récits dans lesquels l'écrivain raconte sa vie de policier, ses doutes, son quotidien, sa quête. Et toujours, en toile de fond, un auteur entré dans la police dans le but de «sauver la veuve et l'orphelin». «Avant d'être un flic coercitif, je suis un défenseur des valeurs.» «Présumé coupable» s'inscrit dans ce même esprit et tend à donner des réponses aux interrogations du terrain, aux difficultés interculturelles et aux risques de dérives xénophobes. Dans cet ouvrage, le policier décortique, exemples à l'appui, les mécanismes de la discrimination ethnique. «La frustration, la peur, les préjugés, les risques d'être submergé par sa propre subjectivité... peuvent générer des tentations racistes.» Pour les éviter, le policier formateur propose différentes grilles de lecture et consignes. Et rappelle que, si les policiers disposent d'un pouvoir discrétionnaire «énorme», en d'autres termes d'une importante marge de manœuvre, ils doivent toujours être en mesure d'expliquer pourquoi telle ou telle personne fait l'objet d'un contrôle, quels critères y ont prévalu.

Une plus-value sociale et intellectuelle
«Servir et protéger nos valeurs humanitaires en assurant la sécurité civile par un usage minimal de la force: tel est le programme», résume le formateur de 41 ans. Une démarche d'autant plus importante qu'elle s'inscrit au cœur de transformations sécuritaires et sociales européennes et planétaires complexes, issues des nouveaux brassages de populations, de tensions et violences ouvertes ou larvées entre groupes et communautés, d'un certain 11 septembre... «La police doit être une organisation apprenante, avec une plus-value sociale et intellectuelle.» Autrement dit elle doit offrir à ses membres une formation élargie et continue adéquate. Yves Patrick Delachaux s'y attelle. Car si les policiers s'exercent régulièrement aux tirs, ils ne sont souvent pas armés pour évoluer sur un terrain dépassant largement le cadre de l'enseignement reçu jusqu'alors comme celui de leur seule circonscription.

Sonya Mermoud



«Présumé coupable» est paru aux Editions Saint-Augustin et Zoé.
Informations supplémentaires: www.flicdequartier.ch.