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Vaud : 550 employés tirés d'affaire

La crise a entraîné une hécatombe dans l'industrie suisse. Grâce à Unia, de nombreux emplois ont été sauvés

Dans un secteur touché de plein fouet par la crise, Unia a montré ces deux dernières années qu'une action déterminée et ciblée porte ses fruits. Le point dans le canton de Vaud, avec Yves Defferrard, responsable du secteur à Unia pour la région, qui visite depuis deux ans les entreprises pour limiter les dégâts humains du tsunami économique et pour construire des réseaux militants. Unia est intervenu dans 16 sociétés du canton qui ont annoncé un licenciement collectif, alors que 33 cas ont été annoncés au Service cantonal de l'emploi de août 2008 à fin 2010.

De nombreuses entreprises ont procédé à des licenciements collectifs depuis août 2008 dans l'industrie vaudoise. A quel point Unia a-t-il été sollicité?
Je n'ai pas passé beaucoup de temps au bureau depuis lors... A la demande de travailleurs, les secrétaires syndicaux d'Unia Vaud sont intervenus dans 16 entreprises qui ont annoncé des licenciements collectifs. J'ai calculé que nous avons consacré 4200 heures de travail à œuvrer pour réduire le nombre de licenciements et leurs conséquences. Parallèlement, avec le soutien d'Unia, 280 travailleurs se sont réunis en groupe de travail dans le but de proposer des solutions alternatives aux licenciements, épaulés par 70 membres des commissions du personnel de ces firmes. En moyenne, 18 travailleurs par société ont participé aux travaux. Un travail titanesque...

Un tel engagement en valait-il la peine?
Oui, tout d'abord parce que nous avons réussi à sauver des postes de travail dans chaque entreprise, de 5 à 240 selon les cas! Au total, 550 employés qui allaient perdre leur emploi ont pu rester dans leur société ou ont retrouvé une place ailleurs grâce au syndicat. A ce chiffre doivent s'ajouter les 150 postes sauvés grâce au système d'échange de compétences entre entreprises que nous avons mis sur pied. Rappelons que lorsqu'une firme fait face à une baisse de commandes et n'a plus de travail pour un travailleur, elle peut proposer à une autre entreprise de l'employer aux mêmes conditions pendant quelques mois. En dernier ressort, l'action du syndicat et des employés mobilisés a permis d'obtenir des plans sociaux visant à réduire l'impact des licenciements. Le montant de ces plans sociaux a varié de 2500 à 120000 francs par travailleur. Jusqu'à 250000 francs lorsqu'on prend en considération des plans de préretraite dès 58 ans. Certains de ces plans ont été insuffisants, d'autres tout à fait corrects, dépendant de la situation de l'entreprise, de sa taille et du rapport de force. Entre 50000 et 3,8 millions de francs ont été dépensés par entreprise (hors plans de préretraites).

Vos revendications ont-elles été vraiment prises en compte ou seulement de façon marginale?
Nous avons souvent obtenu des résultats assez proches de ce que nous avons demandé.

Comment ces résultats ont-ils été possibles?
Cette fois, toutes les parties ont géré intelligemment la crise. Du côté syndical, nous avons organisé des assemblées du personnel solides. Pour leur part, les employeurs nous ont en général fourni des informations sur la marche de l'entreprise, même s'il a fallu parfois fortement insister, ce qui a permis aux représentants de travailleurs de faire des propositions étoffées et réalistes. Le canton de Vaud a aussi soutenu les processus de négociations. Cela n'a bien sûr pas toujours été facile, mais nous avons pu coopérer. Ce n'était pas du tout le cas entre 1999 et 2002, période pendant laquelle nous avons assisté à une vague de délocalisations importantes. Là, les patrons restructuraient clairement pour augmenter le taux de profit des usines. Ils ne voulaient lâcher aucun chiffre. Le contexte était très différent. Lors de la crise de 2008, les entreprises se sont réellement retrouvées en difficulté. Certaines directions locales étaient loin d'être enchantées de devoir licencier. Il y avait matière à un réel partenariat. Unia a également tiré de précieux enseignements des restructurations du début des années 2000 et a donc mieux pu s'organiser.

Unia ne se limite-t-il pas trop à un rôle de pompier, toujours acculé à être sur la défensive?
Non, pas seulement. Ce processus nous a aussi permis de signer deux Conventions collectives de travail (CCT) avec des entreprises dans lesquelles nous n'étions pas implantés. Deux autres CCT sont aussi en discussion dans d'autres sociétés. Cinq commissions du personnel ont également été nouvellement créées. Des liens de qualité jamais vus jusqu'alors ont été noués avec le syndicat dans de nombreuses firmes. A travers ce processus de lutte, la plupart des travailleurs concernés ont aussi compris qu'il n'y avait pas de fatalité et que c'est en se mobilisant qu'on obtient des résultats.

Propos recueillis par Christophe Koessler