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Une lutte essentielle

La mobilisation des chauffeurs Uber à Genève porte ses fruits, même si le chemin vers la reconnaissance de leurs droits risque d’être encore long. Après le retentissant arrêt du Tribunal fédéral du 30 mai dernier, validant le statut de salariés de ces travailleurs, une véritable saga a démarré pour son application. Entre interdiction de la plateforme, suspension de l’interdiction, saisie de la Chambre des relations collectives de travail, échec de la conciliation et plusieurs manifestations des chauffeurs, la situation évolue.

Alors que la suspension de son interdiction approchait de son terme, le 31 juillet, un accord a été trouvé trois jours auparavant entre Uber, le Département de l’économie et de l’emploi et les syndicats Unia et Sit. Ils se sont entendus sur un calendrier de négociations et sur la manière de les poursuivre pour, d’une part, déterminer le calcul des arriérés de salaire des chauffeurs, et d’autre part s’accorder sur les contrats de travail liant ces derniers à la société MITC Mobility, mandatée par Uber. Des garanties financières ont aussi été obtenues d’Uber. A qui il reste deux mois pour se régulariser.  

On est encore loin du but. La décision de la plus haute instance judiciaire du pays a néanmoins déclenché un processus qui pourrait, à terme, réguler l’ensemble de l’économie de plateforme et stopper l’exploitation de ses employées et employés, ces faux indépendants obligés de travailler sur appel et sans aucune protection sociale.

L’arrêt du Tribunal fédéral concerne l’ensemble des chauffeurs Uber de Suisse. Pour l’heure, tous les regards sont tournés vers Genève. Du côté des autres cantons, outre des déclarations de l’ex-ministre de l’économie vaudois Philippe Leuba qui a demandé, en juin, à la société Uber de se mettre en conformité avec son statut d’employeur, peu de chose semble avoir été entrepris. Et moins encore au niveau du Secrétariat d’Etat à l’économie, pourtant garant de l’application de la législation du travail en Suisse.

Le silence du Conseil fédéral est aussi assourdissant, alors qu’il aurait la possibilité d’encadrer et de resserrer les protections des salariés afin d’éviter les failles dans lesquelles s’engouffrent les multinationales des services. Un engagement qui serait crucial pour sortir de la voie juridique et des multiples recours de la firme américaine. Mi-juin, le conseiller national genevois Christian Dandrès a interpellé le gouvernement pour savoir quelles sont les mesures qu’il entend prendre pour assurer aux travailleurs d’Uber la protection minimale de la Loi sur le travail et lutter efficacement contre le dumping social pratiqué par les plateformes. La réponse arrivera probablement à la rentrée parlementaire.

En attendant, les travailleurs d’Uber à Genève sont pris dans les filets de contrats ne leur permettant pas de gagner leur vie, avec des salaires horaires trois fois moins élevés que le minimum légal, ou, pour ceux ayant refusé les conditions de travail de MITC, dans les affres du chômage.

Uber acceptera-t-il de redistribuer une partie de ses énormes commissions et profits à ses chauffeurs, par le biais de contrats de travail corrects, tenant compte du temps effectif passé à sa disposition et des frais professionnels nécessaires pour effectuer des courses? C’est là tout l’enjeu de la lutte exemplaire des chauffeurs d’Uber à Genève, comme de celle des livreurs de Smood entamée l’automne passé. Il s’agit de faire cesser une exploitation éhontée de personnes sur qui reposent tous les risques de l’entreprise. Et sur qui sont économisés des millions de charges sociales. Il est urgent de mettre un coup d’arrêt à ce modèle Uber. Le respect de l’arrêt du Tribunal fédéral permettra une reconnaissance de la dignité des employés de plateforme et de la valeur de leur travail.