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Une 6ème révision scandaleuse

Un nouveau projet de démantèlement de l'AI, aux graves conséquences, est à l'ordre du jour du Parlement

Il faut stopper le démantèlement de l'assurance invalidité et créer des emplois pour les personnes handicapées, estime l'Union syndicale suisse. Après la 5e révision de cette assurance, le Conseil national discute cette semaine du premier volet de la 6e révision qui aura des conséquences dramatiques sur des milliers de personnes, avec notamment la possibilité de supprimer des rentes existantes.

Personne ne conteste que le déficit accumulé de l'Assurance invalidité (AI) - plus de 10 milliards - doive être éliminé. Ce qui est contesté, c'est que les actuels et les futurs rentières et rentiers AI devront passer à la caisse, via des baisses de rentes ou des rentes non accordées, pour compenser les fonds refusés par les autorités. Les mesures prises à ce jour - entre autres la 5e révision de l'AI - ont stoppé l'augmentation des nouvelles rentes. Mais les deux volets de la 6e révision s'attaquent désormais aux actuels rentières et rentiers AI. Cela signifie que toujours plus de personnes seront poussées vers l'aide sociale. Après le Conseil des Etats durant la session d'été, le Conseil national doit discuter cette semaine du premier volet de cette 6e révision, qui aurait eu besoin d'être soigneusement retravaillé. Comme cela n'a pas été le cas, reste au Parlement le choix de rejeter cette révision 6a ou, au moins, de supprimer les inepties les plus grossières qu'elle contient.

Quotas nécessaires
Le Conseil fédéral a placé cette révision sous l'enseigne de «la réadaptation prime la rente». Or cette devise est déjà celle qui prévaut depuis le début de l'AI en 1960. Aujourd'hui, l'on fait comme si les rentières et rentiers AI ne voulaient pas travailler et ne faisaient que de simuler. Le fait est que les emplois nécessaires à cette réadaptation font défaut depuis plus de 30 ans, en raison des récessions qui se sont suivies (voir aussi notre reportage en page 6, ndlr). Celui qui veut la réadaptation des personnes handicapées doit aussi exhorter les employeurs à créer des postes de travail pour ces personnes. Or, sans obligation, cela ne marche pas et les incitations sur lesquelles le Conseil fédéral a misé jusqu'à ce jour n'ont pas été un succès. Il faut donc fixer des quotas. La commission du Conseil national demande (art. 8a) que les entreprises de plus de 250 employés occupent au minimum 1% de personnes handicapées. Cette proposition va dans la bonne direction, mais la droite la combat au nom de la liberté d'entreprise. Et il serait bien plus conséquent de suivre non pas la majorité, mais la minorité de gauche de la commission qui demande l'application de ces quotas aux entreprises de plus de 100 employés et l'introduction, pour les entreprises qui ne s'acquitteraient pas de cette obligation, de verser une taxe représentant une rente AI annuelle moyenne (environ 19000 fr.) pour financer des mesures de réadaptation. Refuser des quotas c'est, pour le législateur, choisir sciemment la politique de l'autruche. Et les victimes en sont les personnes handicapées qui ne trouvent pas d'emploi.

Asservissement inacceptable
Un deuxième point critique de la révision réside dans l'article 18a sur le «placement à l'essai», une formule en soi douteuse. Selon cet article, des personnes seraient occupées à titre d'essai pendant au maximum 180 jours, recevraient une «indemnité journalière» en lieu et place d'un salaire, auraient tous les devoirs qui incombent à un employé, mais ne bénéficieraient pas de la protection usuelle offerte par la législation sur le travail. Dans ces cas, les offices AI devraient ainsi ordonner une forme de «travail forcé» ravalant les personnes concernées à un statut qui leur serait imposé. Bref, une mise sous tutelle plutôt qu'une intégration et, au lieu d'aider ces personnes à prendre conscience de leur propre valeur, un asservissement. C'est inacceptable!

Quand des juristes évaluent la santé des gens...
Pour terminer, un troisième point, particulièrement choquant: le réexamen - avec risque que la rente soit baissée ou supprimée - d'affections ne s'expliquant pas par des causes organiques, comme la fibromyalgie. Les décisions sur le très contesté coup du lapin devront avoir force de loi et des maladies psychiques seront mises à l'«index». Des diagnostics médicaux, des handicaps manifestes et des souffrances des plus lourdes seront, de ce fait, classés au chapitre «simulations». Sans parler du mépris ainsi manifesté à l'égard des personnes concernées. Ces «cas» ne seront pas pour autant éliminés de la surface de la terre, mais renvoyés à l'aide sociale. De tels réexamens peuvent, à l'instar de cet ouvrier espagnol qui s'est suicidé à Genève il y a un mois, après que l'AI lui ait retiré sa rente obtenue plus de 10 ans auparavant, pousser des personnes à des actes de désespoir irréversibles. Des dispositions à ce point injustes n'ont rien à faire dans la loi!
Donner à la loi la réadaptation pour but, c'est important et bien. Mais cette réadaptation doit prendre au sérieux les personnes touchées et leurs souffrances, les intégrer à ce processus et faire en sorte qu'il y ait suffisamment d'emplois pour elles.


Rolf Zimmermann, USS/L'ES