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Sombres nuages dans le ciel grec

La Grèce reste l’une des destinations préférées des Suisses. Avec ses plages, ses villages blanchis à la chaux se détachant sur une mer d’un bleu profond, ses édifices chargés d’histoire, ses tavernas…, le pays ne manque pas d’atouts touristiques. Et ce berceau de la démocratie aiguise aussi notre intérêt politique. Les premières annonces du nouveau Premier ministre, Kyriákos Mitsotákis, ne peuvent que nous interpeller. Rompant avec l’héritage de la transition démocratique, le dirigeant de la droite remet en cause la sanctuarisation de l’université sous prétexte de vider les campus «de leurs cocktails Molotov et de leurs trafiquants de drogue». Depuis 1982, les interventions policières sont interdites dans les enceintes universitaires en souvenir du 17 Novembre. Rappelons que les étudiants ont joué un rôle décisif dans la lutte contre la dictature des colonels (1967-1974) et que le 17 novembre 1973 l’armée envoyait ses chars sur l’Ecole polytechnique d’Athènes provoquant une quarantaine de morts. Cette école se trouve à Exárcheia, où justement Mitsotákis a promis de «ramener l’ordre». Au cœur de la capitale, ce quartier rebelle abrite des squats et de petits commerces alternatifs. Des bâtiments inhabités ont été transformés en espaces autogérés proposant cantines populaires ou centres d’accueil pour réfugiés. «Des informations nous parviennent, les flics se préparent», relate sur les réseaux sociaux l’écrivain et réalisateur franco-grec Yánnis Youloúntas, présent sur place. Tout un quartier s’apprête à résister. Une banderole rouge et noire a été hissée: «No pasaran.»

L’extrême droite hellène n’a pas disparu, elle reste «bien présente et dangereuse» et constitue une «aile très importante» de Nouvelle Démocratie, le parti du Premier ministre, met en garde sur son blog Yorgos Mitralias, journaliste et animateur du Comité grec contre la dette. Deux ministres du cabinet Mitsotákis, Adonis Georgiádis et Makis Vorídis, ont ainsi un «passé fasciste violent et raciste dur, qui les rendrait imprésentables chez Salvini, Le Pen ou Orbán». Ce gouvernement réactionnaire a bien sûr les réfugiés dans le collimateur. Sa première décision a été de supprimer le Ministère de l’immigration pour le rattacher à celui de la «Protection du citoyen». Il a aussi annulé un décret qui facilitait l’obtention d’une carte de sécurité sociale. «Des personnes pauvres, des femmes, des enfants réfugiés, des handicapés seront limités pour avoir accès aux hôpitaux, aux écoles et à tous les services publics», a dénoncé sur ce point le Mouvement contre le racisme et la menace fasciste.

«Le vieux monde qui veut nous anéantir appartient déjà au passé, aux catacombes d'une société mortifère et insensée, aux ultimes coups d'un monstre suicidaire qui s'acharne contre tout ce qui vit», relève Youloúntas. Le militant reste confiant: «A Exárcheia comme ailleurs, nous parviendrons tôt ou tard à reconstruire, sans relâche et plus formidablement encore.»