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Salariés de l'industrie sous pression

Les délégués d'Unia rejettent les attaques patronales sur le temps de travail et les salaires

Les travailleurs de l'industrie ne veulent pas travailler gratuitement. Ils l'ont réaffirmé lors de la conférence nationale d'Unia de l'industrie des machines réunie récemment, et à l'occasion de la remise d'un appel urgent au Conseil fédéral. La discussion sur le partenariat social, son respect et le renforcement de la résistance a été entamée.

De la théorie à la pratique, il y a un grand pas. Vendredi 16 septembre dernier à Berne, lors de la conférence de l'industrie des machines d'Unia réunissant des délégués du personnel de tout le pays, une discussion sur la situation dans la branche a été entamée. Le débat n'a pas pu être mené plus largement en raison d'un timing serré, a expliqué Corrado Pardini, responsable du secteur à Unia, car une partie des délégués était attendue sur le coup de midi devant le Palais fédéral pour y déposer un appel au gouvernement (voir ci-dessous).
Dans une situation où, en raison du franc fort, certains employeurs tentent à augmenter le temps de travail ou à baisser les salaires, Corrado Pardini a rappelé que la crise du franc était liée à la spéculation. Et que seules certaines entreprises tournées vers l'exportation étaient touchées par une baisse de leurs marges. Il a présenté la stratégie d'Unia dans ce contexte, basée principalement sur l'accord passé en juillet avec l'association patronale Swissmem. Cet accord apporte des précisions sur l'interprétation de l'article 57 de la Convention collective des machines, équipements électriques et métaux (CCT MEM), portant sur la flexibilité des horaires en cas de crise. «Si une commission du personnel n'est pas prête à accepter une baisse des salaires ou une hausse du temps de travail, explique le syndicaliste, il suffit qu'elle dise non. Dès ce moment, le syndicat peut intervenir.» A partir de là, «si on négocie, les patrons doivent être prêts à faire des concessions», précise-t-il en présentant les trois conditions qui leur sont posées: l'ouverture de la comptabilité de l'entreprise et du carnet de commandes, le dialogue avec les banques pour une baisse de leur taux d'intérêt et, en cas de bénéfice, un engagement à diminuer aussi les dividendes des actionnaires pour qu'il y ait une «symétrie des victimes». Il appelle donc les commissions d'entreprises à refuser toute demande patronale de flexibilisation afin que le syndicat puisse entrer en action.

Pressions patronales
«Je suis d'accord, sauf sur une chose: même si la commission d'entreprise accepte une hausse du temps de travail ou une baisse des salaires, le syndicat doit être présent. Ce n'est pas aux commissions d'analyser les chiffres, et il est hors de question de les laisser seules face aux pressions patronales», réagit Mike Nista, président de la commission d'entreprise de Sapal à Ecublens (VD). «Il n'y a pas de paix sociale sans partenariat social, et il ne doit pas y avoir de hausse du temps de travail sans que le syndicat soit impliqué», ajoute-t-il. «Nous ne sommes pas assez durs avec cette stratégie, alors qu'en face, ils sont très durs.» A cette divergence de vue, Corrado Pardini répond que le syndicat se doit d'opérer dans le cadre de la CCT, acceptée il y a 4 ans: «Nous ne pouvons pas la remettre en cause aujourd'hui.»

Chez Trasfor, la grève a été déterminante
«Ce n'est pas comme cela que ça fonctionne», lance Yves Defferrard, responsable de l'industrie à Unia Vaud, canton où les pressions sur les représentants du personnel sont énormes et où certaines directions ne jouent plus le jeu du partenariat social. Il explique que le matin même, une commission du personnel d'une grande entreprise avait refusé la hausse du temps de travail. La direction lui a donné le week-end pour réfléchir et changer d'avis, sinon elle annoncerait des licenciements...
Un syndicaliste tessinois, parlant de la victoire des travailleurs de Trasfor qui ont réussi à empêcher une hausse du temps de travail et une baisse des salaires, plaide lui aussi pour un durcissement des luttes. «La situation est grave, nous devons changer d'attitude et définir un parcours de résistance. On peut théoriser sur l'exigence d'obtenir des informations pour savoir si l'entreprise va bien ou non, mais chez Trasfor, ce n'est pas grâce aux chiffres que nous avons pu repousser l'attaque, c'est parce que les travailleurs ont fait grève, parce qu'ils sont descendus dans la rue!»

Offensive européenne
«Bien sûr qu'il ne faut pas négocier sans le syndicat, a lancé une secrétaire syndicale argovienne. Mais nous devons changer quelque chose, nous sommes trop sur la défensive. Dans toute l'Europe, le patronat veut une hausse générale du temps de travail. Ils commencent en Suisse car ils savent qu'il y a peu de résistance. Si, chez ABB, la production s'arrête, ils comprendront que cela touche directement leurs profits. Nous devons développer d'autres idées pour bloquer ce processus. Nous avons aussi une responsabilité vis-à-vis de nos collègues en Europe.»
A l'issue de ces échanges, une résolution a été adoptée. Elle réaffirme notamment que les salariés de l'industrie n'acceptent pas de travailler gratuitement et qu'ils refusent les diminutions de salaires et le paiement des salaires en euros. Les délégués ont aussi accepté la revendication d'une hausse salariale de 100 francs plus le renchérissement pour 2012.

Remerciements à Beda Moor
La conférence s'est conclue par de chaleureux adieux à Beda Moor, syndicaliste de longue date d'Unia, qui prend sa retraite après 45 ans d'engagement. D'abord comme représentant des apprentis de son entreprise avant de devenir permanent puis dirigeant de la FTMH et membre de la direction du secteur industrie d'Unia.

Sylviane Herranz



Notre travail n'est pas gratuit!

1800 travailleurs de l'industrie ont adressé un appel urgent au Conseil fédéral pour qu'il agisse

Un franc symbolique sur un ballon gonflé à bloc, puis un gros boum ébranlant les murs du Palais fédéral... Les représentants du personnel de l'industrie et les dirigeants d'Unia, rassemblés après leur conférence nationale devant le Département de l'économie pour y remettre un appel urgent au Conseil fédéral, souhaitaient que leur pétition ait le même retentissement au sein du gouvernement. Cet appel, signé par plus de 1800 travailleurs et membres de commissions d'entreprise, demande notamment une interdiction des salaires en euros, le renforcement des contrôles des salaires et des entreprises détachant des travailleurs en Suisse et le durcissement des sanctions en cas de sous-enchère salariale. Il réclame aussi un contrôle plus sévère des banques ainsi qu'une taxe sur les transactions de devises pour financer une assurance contre les risques de change. Dans son discours, Renzo Ambrosetti, coprésident d'Unia, a défendu un taux de change plancher de 1,40 franc pour un euro et appelé les représentants de l'industrie des machines à s'allier au syndicat pour exiger une solution politique aux conséquences du franc fort plutôt que de mettre les travailleurs sous pression. Il a également souligné les bons résultats de l'industrie pour le 2e semestre 2011: une production accrue de 2,3% par rapport à l'année précédente, des chiffres d'affaires en hausse de 3,1%, des entrées de commandes supplémentaires de 2,6% et une hausse des commandes en portefeuilles de 10,1%!

Paix du travail ébranlée
«Les crises successives et les attaques à outrance du patronat veulent une fois de plus nous faire passer à la caisse et ceci sans consultation, en pillant délibérément la substance même de notre convention et de nos conditions de travail», a relevé le métallo vaudois Mike Nista au nom des commissions du personnel de l'industrie vaudoise. Il a fustigé l'attitude de Swissmem, l'association patronale, qui «lance maintenant des attaques sans précédent contre nos conditions de travail, en demandant à nos directions d'augmenter le temps de travail sans compensation, ceci en essayant par tous les moyens d'écarter de ces discussions notre syndicat Unia et en exerçant une pression scandaleuse sur les représentants du personnel, notamment en les menaçant de licenciement massif s'ils n'acceptent pas des semaines de 45 heures!» Il précise que 5 heures de plus par semaine représentent la totalité des vacances. «C'est la fin des vacances payées, un bon en arrière de 100 ans!» Le syndicaliste s'est aussi indigné contre l'absence de protection des délégués syndicaux. «Nous, représentants du personnel, n'acceptons plus cette mascarade visant à faire porter le poids des décisions sur nos épaules sans même avoir des protections contre les licenciements ou les pressions. Nous disons clairement: soit le patronat respecte les syndicats dans les CCT, soit il n'y a plus de partenariat et de garantie de paix du travail!» Et le syndicaliste d'avertir les conseillers fédéraux, les patrons et les managers: «Nous aussi, nous pouvons créer de toutes pièces la prochaine crise, à savoir la fin de la paix sociale dans ce pays. Ceci est valable dans l'industrie, dans la maçonnerie et dans tous les secteurs, car sans partenariat social, il n'y a pas de paix sociale!» a-t-il lancé, tout en appelant à se battre avec le syndicat. «Unis, nous sommes forts et avec Unia, nous sommes encore plus forts. Les camarades de Trasfor, de Georg Fisher Piping, de Tesa, l'ont prouvé en refusant de céder au chantage de leur direction. Notre travail n'est pas gratuit!»

SH