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«Nous ne sommes pas une catégorie à part»

portrait de Sébastien Nendaz
© Thierry Porchet

Sébastien Nendaz.

Engagé dans des associations LGBT (lesbienne, gay, bi, trans), Sébastien Nendaz témoigne des difficultés que rencontrent les homosexuels dans le monde du travail. Entretien à bâtons rompus

Bien dans sa peau, le contact aisé, Sébastien Nendaz, 37 ans, aime les hommes et ne s’en cache pas. Actif dans l’association valaisanne Alpagai – ouverte à toutes les personnes concernées par la diversité sexuelle et d’identité de genres – et à Network Valais, réservé aux gays, le Valaisan entend, par son témoignage, favoriser une prise de conscience des discriminations que rencontrent certains homosexuels sur leur lieu de travail. «Nous ne sommes pourtant pas une catégorie à part», relève l’élégant trentenaire qui travaille pour Gastrosocial comme réviseur AVS. Un métier que ce diplômé de la Haute école sociale en économie et gestion, titulaire d’un brevet en management, apprécie. Aussi pour son environnement ouvert. Tolérant. Une situation qu’il n’a pas toujours rencontrée sur son parcours professionnel, lui qui a été viré d’un poste pour n’avoir pas caché son orientation sexuelle. Et alors qu’il estime qu’il reste du travail à faire dans son canton natal, même si la cause a largement progressé ces dernières décennies.

Aviez-vous évoqué votre orientation sexuelle au moment de votre engagement?

Non. Car j’estimais qu’elle n’avait rien à voir avec mes compétences. Mais par la suite, je ne m’en suis jamais caché. J’ai la chance, dans mon travail actuel, de n’avoir jamais souffert de réactions négatives. Tout au plus d’étonnement. J’ai en revanche connaissance de plusieurs cas de personnes homosexuelles qui se taisent. Maquillent le fait qu’elles n’ont pas de famille. N’utilisent pas le «il ou elle» pour parler de leur compagnon ou compagne mais vont dire «la personne qui partage ma vie» ou s’inventent un conjoint.

Vous aussi, vous avez fait une mauvaise expérience...

Oui, j’ai été viré par les Syndicats chrétiens du Valais en raison de ma préférence sexuelle il y a plus d’une dizaine d’années, en 2004-2005. Je travaillais alors comme secrétaire permanent. La raison de mon licenciement n’a pas été clairement évoquée mais il est intervenu juste après que j’ai présenté mon compagnon à mon responsable, lors d’une soirée en couple où il était venu, lui avec son épouse et moi avec mon partenaire. Il m’a convoqué le lendemain, m’a donné deux jours pour débarrasser le plancher et justifié ma mise à la porte par le fait que je ne faisais pas assez d’adhésions. Que je ne rapportais pas assez. Je travaillais pour cet employeur depuis cinq ans. Les adhésions ont toujours été fluctuantes... Mais il était difficile de me défendre sans preuves... Une situation douloureuse. J’imagine les dégâts qu’elle aurait pu provoquer sur une personne plus fragile.

Certains milieux professionnels sont-ils connus pour être moins tolérants?

Selon mes retours, il y a davantage de problèmes dans des professions plus «masculines», comme dans le gros œuvre, en comparaison avec le domaine de la santé ou de l’administration. Il existe aussi une discrimination inverse. Dans la coiffure, par exemple, les hommes restent souvent associés à des gays.

Il y a aussi d’autres formes d’inégalités dans le milieu professionnel comme lors des périodes de vacances scolaires où les homos sont appelés à assurer la permanence. Font l’objet de petites réflexions et blagues. Des propos qui peuvent blesser, surtout ceux qui rêveraient d’avoir une famille.

Comment peuvent réagir les homosexuels discriminés sur leur lieu de travail?

Ce n’est pas simple. Certaines personnes préfèrent se taire ou alors changer de voie professionnelle pour ces motifs. Un de mes amis, menuisier, cible de ses collègues de travail qui avaient découvert son homosexualité, a démissionné. Le patron a refusé d’intervenir, estimant qu’il n’avait pas à faire la police. Que le problème ne le concernait pas. Il n’y a à ce jour pas de législation qui protège spécifiquement les personnes LGBT en tant que communauté. Une discussion est actuellement en cours pour compléter la norme antiraciste en y ajoutant l’orientation sexuelle et l’identité de genre, mais ça prend du temps.

Vous êtes originaire du Valais et y habitez. Un canton réputé conservateur...

Là, on est aussi dans le cliché. Le Valais ne fait pas preuve de moins d’ouverture qu’ailleurs. On a d’ailleurs organisé la Gay Pride en 2015 qui a rassemblé 5000 participants... Positif. Dans ce canton, on ne parle pas de cette question. J’ai le sentiment que ce n’est pas un thème, mais pas un tabou non plus.

Député suppléant socialiste, vous aviez, l’automne dernier, déposé un postulat sur le bureau du Grand Conseil valaisan invitant le canton à adopter la Charte de la diversité. Un texte exigeant de ses signataires le respect et la promotion du principe de non-discrimination et la communication de cet engagement à tous les salariés. Votre demande a été largement balayée.

Oui, en dix minutes! J’espérais que l’Etat, le plus grand employeur du canton, montre l’exemple. Si je m’attendais au rejet de ce postulat, j’ai été étonné par son ampleur: 77 opposants, 31 pour et une abstention. C’est vrai, il y a encore du pain sur la planche. Mais la situation a quand même évolué favorablement. Les témoignages de la génération des quinquagénaires membres d’Alpagai font état de beaucoup plus de souffrances. Aujourd’hui, on se laisse moins faire. Moins dire.

Estimez-vous qu’il y a suffisamment de campagnes de sensibilisation dans les écoles sur la thématique?

Il est encore difficile de rentrer dans les écoles. Il faut rappeler que le taux de suicides dans la communauté homosexuelle est de 10 à 20 fois plus important que dans le reste de la population. Nous travaillons dans le canton avec Promotion Santé Valais, mais plus sur la question des maladies sexuellement transmissibles. La prévention contre les discriminations dans le milieu scolaire n’est pas suffisante. Alpagai se bat dans ce sens. Moi j’ai découvert mon homosexualité à 22 ans. Cette révélation est l’étape la plus difficile. Elle passe d’abord par une autoacceptation. On se sent seul. On a peur du regard des autres. Je viens pour ma part d’un milieu très conservateur. J’étais terrifié à l’idée d’en parler. Mais tous l’ont bien acceptée. J’ai gagné en confiance en moi. Pour d’autres, en revanche, c’est le contraire. Le début de la fin de la vie sociale...

 

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