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«Les vendeuses étaient choquées»

illumination de Noël devant un magasin
© Olivier Vogelsang

Les magasins du canton de Vaud n’ouvriront pas leurs portes jusqu’à 20h30 dans la période qui précède Noël, ni deux dimanches d’ici à la fin de l’année. L’opposition du syndicat Unia a été entendue par le Gouvernement vaudois.

Les grandes enseignes vaudoises demandaient six ouvertures prolongées jusqu’à 20h30, au lieu des nocturnes habituelles, en invoquant des mesures sanitaires. Le Conseil d’Etat a refusé

Les patrons des grands magasins sont fâchés et le disent dans une lettre ouverte datée du 27 novembre. «L’objectif partagé par les Autorités comme par les commerçants était bien de garantir les meilleures conditions sanitaires, autant pour les clients que pour notre personnel, par une meilleure répartition des flux que permettrait une extension des horaires, voire une ouverture des magasins deux dimanches en décembre. Malheureusement, cet objectif n’était de toute évidence pas partagé par les représentants du syndicat Unia. Ce qui ne nous a pas surpris. (...) Ce qui nous a en revanche laissés pantois, à l’issue de ces deux séances, ce fut de constater que le Conseil d’Etat acceptait de faire fi des enjeux sanitaires en acceptant le diktat imposé par un syndicat qui n’est représentatif que des quelques membres de son “comité de vente”.» Cette missive incendiaire du Trade Club Vaud (TCV)* et de la Fédération vaudoise du commerce de détail (FVCD)** a été adressée à la présidente du Conseil d’Etat, Nuria Gorrite. Elle fait suite à deux séances des commerçants avec les conseillers d’Etat Rebecca Ruiz et Philippe Leuba, ainsi que le syndicat Unia.

Les faîtières commerciales demandaient une extension d’horaires à 20h30, les 16, 17, 18 et 21, 22, 23 décembre et une ouverture durant deux dimanches. «Avec la garantie qu’aucun employé ne travaillerait plus de deux soirs par semaine», indique le président du TCV et directeur de Payot, Pascal Vandenberghe dans 24heures. En contrepartie les commerçants vaudois renonçaient aux Nocturnes jusqu’à 22h, dont le nombre diffère selon les règlements communaux. «Les commerçants demandaient en plus une ouverture prolongée le samedi avant Noël et pendant la semaine entre le 25 et Nouvel-An», souligne Giorgio Mancuso, responsable du tertiaire à Unia Vaud. Entretien avec le secrétaire syndical.

Peut-on parler d’une victoire syndicale?

Non, ce n’est pas une victoire. Je ne me réjouis de rien du tout, car on reste sur un statu quo, à savoir que les nocturnes restent possibles, comme chaque année. Et qu’aucune réelle campagne de sensibilisation de la population pour différer les achats de Noël a eu lieu. Ce qui me rassure, c’est que le médecin cantonal et l’Etat ont pris en considération la santé du personnel et de la population. Quand le TCV et la FVCD parlent de leurs soucis sanitaires et, juste après, de l’importance du chiffre d’affaires en décembre, leur intention semble claire: ils ont voulu prendre en otage le Conseil d’Etat sous couvert de mesures sanitaires. De surcroît, ils s’étaient mis d’accord avec les Transports lausannois prêts à offrir la gratuité des bus de 17h à 21h. C’était une mesure pour soutenir les extensions d’horaires, et donc les commerces, mais non pas pour des questions sanitaires. Car pour diluer la clientèle, il aurait fallu proposer la gratuité tout au long de la journée.

A Nyon, nous nous sommes accordé pour quatre soirs jusqu’à 20h au lieu de deux nocturnes jusqu’à 22h, comme le permet le règlement communal. Les magasins savent très bien qu’en général, il n’y a quasi plus de clients à partir de 19h. A Vevey, une nocturne sur trois a été annulée. Je souligne que les petits commerçants (avec qui nous nous sommes entretenus) sont habituellement contre l’extension des horaires, car c’est compliqué pour ceux qui n’ont qu’un ou deux employés. C’est aussi grâce à eux que nous avons gagné le référendum contre le prolongement des ouvertures le samedi à Nyon.

Les vendeuses à qui nous avons présenté la proposition des employeurs étaient choquées. Pour elles, c’est comme si on leur disait: «On n’en a rien à faire de vous!» Pourtant, je suis certain que les consommateurs comprennent cette envie du personnel de ne pas travailler les soirs avant Noël. Reste que le personnel s’attendait à un geste, comme pouvoir passer les Fêtes en famille, et ne pas arriver le 24 au soir à 20h seulement à la maison...

La garantie du président du TCV, de ne pas faire travailler plus de deux soirs par semaine les employés, n’était-elle pas suffisante?

Il n’y a aucune base juridique qui permet d’assurer cette disposition. Et lorsqu’on voit comment la CCT à Lausanne est respectée, cela laisse planer le doute. Selon la convention par exemple, une vendeuse a le droit à un samedi de congé par mois. Or, ce n’est pas appliqué. Autre exemple: les enseignes peuvent effectuer quatre ventes privées avec extension d’horaire par année, uniquement pour leurs clients inscrits sur leur liste. Or, durant le Black Friday, les invitations étaient distribuées à l’entrée de Zara et d’autres magasins.

Les faîtières des commerçants indiquent avoir proposé à Unia, dès fin mai, des adaptations concernant la question des ouvertures et des dimanches en décembre, ainsi que du jour férié du 2 janvier 2021. Et s’insurgent du refus syndical d’entrer en matière…

On sortait à peine de la première vague de Covid et les commerçants nous demandaient déjà des aménagements pour la fin de l’année. C’était aberrant! L’idée de faire un sondage sur l’ouverture des dimanches aussi. Cette bagarre sur les extensions d’horaires a assez duré. On s’époumone pour une heure par ci, une heure par là. Ce n’est pas ça qui va sauver le commerce de détail. Et je rappelle, en passant, que les grands groupes font de très bons chiffres en ligne. Il est temps de se mettre autour de la table pour élaborer une CCT cantonale.

Le personnel de la vente a-t-il reçu une prime Covid?

Nous savons qu’il y a eu des dons de 500 francs à Migros et à Coop (en fonction du pourcentage de travail), chez Manor, 250 francs… en bons d’achat. Je ne parlerais donc pas de prime, à la limite d’un geste, voire d’un plan de communication. Un treizième ou un quatorzième salaire aurait pu faire figure de prime. Depuis des années, les conditions de travail baissent, les pourcentages aussi, alors que l’amplitude des heures augmente. Une personne peut travailler de 9h à 12h puis de 15h à 20h30 par exemple. Quand on leur propose de travailler pendant les Nocturnes et le dimanche, le volontariat mis en avant par les patrons n’est qu’une façade, car, dans les faits, c’est fortement conseillé. La pression de certains gérants est forte. Aujourd’hui, des employées se sentent même obligées d’aller bosser avec le Covid, quand elles ont peu de symptômes. Le climat a changé par rapport à la première vague. Les actes d’incivilités sont en augmentation. Les vendeuses doivent faire la police. Une employée me racontait qu’un client avait éternué devant elle. Son plexiglas était plein de gouttelettes. Elle lui a demandé de porter son masque, de faire attention. Le client, lui, ne voyait pas le problème. Il lui a répondu qu’elle n’avait qu’à nettoyer. Et quand une mère, payée à l’heure, m’appelle en pleurs en me racontant qu’elle a laissé son gamin de 8 ans, malade, seul à la maison pour aller travailler, et qu’elle n’a pas eu le choix de peur de perdre son job, ça glace le sang.

 

*Le TCV regroupe 13 grandes enseignes présentes dans le canton de Vaud. Ses membres fondateurs sont Payot, Coop, Migros, Manor, Bongénie et la Fnac.

**La FVCD a été constituée le 3 novembre dernier. Elle fédère 11 associations et sociétés industrielles et commerciales (SICs) du canton.

 

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