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Les syndicats au cœur de l’action collective

une fresque sur les murs de Thonon, lors de la grève générale qui a secoué la France en mars 2009.
© Neil Labrador/archives

Pertes de membres, divisions, absence des lieux de travail, les syndicats français, comme ailleurs en Europe, ne sont plus à la pointe de l’action collective. Les auteurs de l’ouvrage donnent quelques pistes pour reconquérir cette capacité de lutte. Photo: une fresque sur les murs de Thonon, lors de la grève générale qui a secoué la France en mars 2009.

Deux chercheurs analysent l’évolution des organisations syndicales en tant que vecteurs de l’action collective: réussites et échecs, relation aux salariés

«Les syndicats français sont toujours aussi émiettés et divisés. Ils continuent de perdre des adhérents et les électeurs participent de moins en moins aux élections professionnelles. En dehors des transports, les grèves sont devenues exceptionnelles. Enfin, le recours à des manifestations ou à d’autres formes de protestation est un échec.» Telle est l’une des conclusions auxquelles sont parvenus Dominique Andolfatto et Dominique Labbé, deux politologues qui ont publié Anatomie du syndicalisme, une étude qui porte sur la France, mais qui s’étend au syndicalisme international.

Lieux de travail désertés

La division du syndicalisme français en une multitude d’organisations est l’une des causes de sa faiblesse, laquelle se reconnaît au taux de syndicalisation le plus faible d’Europe occidentale (7% à 8%). Le déclin est aussi dû au fait que de nombreux permanents cumulent leurs fonctions syndicales avec de multiples mandats. «De ce fait, affirment les deux chercheurs, les syndicalistes ne sont plus guère présents sur les lieux de travail.» Dès lors, les mobilisations deviennent difficiles, et si les syndicats ont été très longtemps au cœur de l’action collective organisée, celle-ci «cède la place à une violence nue, sinon à l’émeute, d’inorganisés ainsi que l’a illustré le mouvement des Gilets jaunes.»

Le «monde d’après» oublié?

La crise sanitaire de grande ampleur qui a éclaté en 2020 conduira-t-elle à une recomposition syndicale annoncée depuis des années, voire à une «nouvelle donne sociale»? «Aucun signe ne le laisse présager», répondent les deux politologues, lesquels sont d’avis que, même si elles ont été brièvement traversées par la question au printemps 2020, «plus aucune de ces organisations syndicales ne paraît imaginer sérieusement un monde d’après». Pourtant, cette crise offre aussi une chance unique, celle de repenser notre relation au travail et à la nature.

Ailleurs, c’est un peu mieux

Les deux auteurs sont un peu moins pessimistes à propos des autres syndicats d’Europe occidentale. Il est vrai que la syndicalisation y est partout plus élevée, oscillant entre 18% en Allemagne (environ 17,4% en Suisse, ndlr) et 67% en Suède. Mais plusieurs syndicats européens ont perdu des membres, en particulier au Royaume-Uni (lois Thatcher) et en Allemagne (réticences des salariés de l’Est). Dès lors, comment remettre les syndicats au cœur de l’action collective? Dominique Andolfatto et Dominique Labbé ne donnent pas de recettes, mais leur ouvrage nous inspire ces quelques pistes: construire l’unité syndicale, réinvestir les lieux de travail, créer des outils spécifiques pour syndiquer les jeunes et les travailleurs précaires, développer les actions internationales, doter les syndicats d’une forte capacité à la négociation et au conflit.

couverture du livre.
Dominique Andolfatto, Dominique Labbé, Anatomie du syndicalisme, Presses universitaires de Grenoble, 2021.

 

Quand Macron pantoufle

En France, le pantouflage désigne le fait, pour un haut fonctionnaire, d'aller travailler dans une entreprise privée, puis de rejoindre – éventuellement – de nouveau l’Etat. Selon Vincent Jauvert, auteur de La mafia d’Etat paru l’année dernière aux Editions Seuil, la caste des hauts fonctionnaires devenus des dirigeants fortunés de grandes entreprises privées n’a jamais été aussi puissante que depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Ce grand reporter à L’Obs explique que, dix-huit mois après la nomination du gouvernement d’Edouard Philippe, 40 conseillers ministériels avaient déjà pantouflé, ce qui est énorme. Pour lui, l’indécent n’est pas que des responsables publics partent dans le privé, mais qu’ils s’occupent des affaires publiques et du lobbying pour le compte de ces entreprises, en monnayant leur connaissance de l’Etat. Vincent Jauvert ajoute que l’exemple vient d’en haut, puisque les quatre plus hauts responsables de l’Etat durant le quinquennat Macron sont des adeptes de ce système: «Emmanuel Macron, inspecteur des Finances, a travaillé chez Rothschild, et Edouard Philippe, membre du Conseil d’Etat, a fait du lobbying pour Areva et a été avocat dans un cabinet anglo-saxon. Le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, et le directeur de cabinet du Premier ministre, Benoît Ribadeau-Dumas, sont eux aussi des énarques qui ont pantouflé dans le privé.»

Pantoufler, c’est très juteux

Cette collusion est très rentable:

• Alors qu’il était président du conseil de surveillance de Renault, Louis Schweitzer touchait 200000 euros par année, tout en percevant une «retraite-chapeau» de 900000 euros et une retraite de la fonction publique, car il avait été directeur de cabinet de Laurent Fabius!

• Le rail est aussi intéressant. Président de la SNCF, Guillaume Pepy percevait 450000 euros. Montant auquel se sont ajoutés des centaines de milliers d’euros comme administrateur de Suez (groupe de l’eau), puis comme président du comité stratégique du groupe Lagardère!

• Après avoir été secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, Anne-Marie Idrac a siégé dans cinq conseils d’administration, qui lui ont rapporté 375000 euros de jetons de présence en 2019! Même à ce niveau-là, les femmes touchent moins, mais les smicards aussi: 19237 euros brut par année en 2022…

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