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Les CSP romands dénoncent les lacunes du système social

Conférence de presse.
© Olivier Vogelsang

Lors d’une conférence de presse, les CSP romands ont appelé à la solidarité pour «faire face ensemble» à la crise sociale. Entre autres intervenants (de gauche à droite): Alain Bolle, directeur du CSP Genève, Caroline Regamey, chargée de politique et action sociales au CSP Vaud et Pierre Borer, directeur du CSP Neuchâtel.

La crise sanitaire a éclairé de manière crue les dysfonctionnements et les manquements du dispositif social. Les Centres sociaux protestants donnent des pistes

L’accès aux prestations sociales est un droit et doit être élargi. C’est en substance le message lancé par le Centre social protestant (CSP) des différents cantons romands, lors d’une conférence de presse le 16 mars dernier. L’organisation est revenue sur cette année de pandémie et surtout sur les défis à venir. Pour elle, cette crise doit être un levier pour une transformation en profondeur.

De mars à décembre 2020, les CSP sont venus en aide à des personnes n’ayant pas droit à l’aide sociale ou à des prestations d’assurance, grâce au soutien de la Chaîne du bonheur et aux dons récoltés directement. «Essentiellement sans-papiers, ces personnes, inconnues de nos services jusqu’ici, ont toujours été autonomes financièrement et ne nous ont jamais demandé d’aide. Dans l’économie domestique, rares sont les employeurs à avoir continué de payer leurs employées, malgré leurs obligations, dénonce Caroline Regamey, chargée de politique et action sociales au CSP Vaud. On a vu réapparaître une pauvreté absolue, une situation dramatique dans laquelle les besoins essentiels comme se nourrir, se loger, se soigner n’étaient plus couverts.» Des aides alimentaires ont été distribuées et des loyers pris en charge par l’organisation pour éviter les expulsions. «Cela a mis en lumière le mal-logement subi par les sans-papiers, sans contrat, en sous-sous-location, avec des loyers abusifs et une suroccupation – avec plusieurs familles dans un appartement», souligne Caroline Regamey.

Renoncement à des droits

Les difficultés à joindre les deux bouts ont aussi frappé d’autres catégories de travailleurs n’ayant pas droit à l’aide sociale: des étudiants ayant perdu leur job d’appoint, des personnes de l’UE avec un permis L ou B depuis moins d’une année.

Les détenteurs de permis B et C n’ont souvent pas osé demander l’assistance publique, par peur des conséquences sur leur renouvellement de permis, leur demande de regroupement familial, de naturalisation, ou encore de mariage. «Et ce malgré les communications officielles qui ont garanti que les autorités ne tiendraient pas compte du recours à l’aide sociale pendant cette période», précise Alain Bolle, directeur du CSP Genève. Alors que parallèlement, certains services sociaux continuaient de dissuader les personnes de recourir à leurs prestations.

«Des personnes avec des revenus trop élevés pour toucher l’aide sociale ont vécu aussi des déséquilibres dans leur budget. Alors que des aides ponctuelles publiques sont possibles, mais sont distribuées de manière très inégale selon les cantons et les services» explique Caroline Regamey.

Creusement des inégalités

Il y a aussi ceux qui ont puisé dans leurs économies, ont emprunté à leurs proches voire contracté un crédit parfois à des taux usuriers. Une situation qui fait craindre au CSP une augmentation du surendettement, et son corollaire: mises en poursuite, expulsions d’appartements… Car la crise sociale et sanitaire n’est de loin pas terminée. «Dans le Jura par exemple, beaucoup de gens ont eu de la peine à venir nous demander de l’aide», souligne Pierre Ammann, directeur CSP Berne-Jura. «Or avec les RHT qui perdurent, cela devient de plus en plus difficile, notamment pour les familles.»

L’opacité et la grande complexité du système social sont critiquées par le CSP, tout comme la lenteur des procédures et des décisions ou encore la digitalisation prétéritant les personnes n’ayant pas ou peu de compétences numériques. Une étude du Centre de recherches conjoncturelles de l’EPFZ (KOF) confirme le creusement du fossé des inégalités: les ménages les plus modestes ont connu une baisse de 20% en moyenne de leurs revenus, contre 8% pour les ménages les plus aisés.

Des mesures nécessaires

Face à cette année de grands défis mais aussi riche en enseignements, le CSP estime qu’il est nécessaire de prendre des mesures de type structurel. Il demande un élargissement du socle de l’aide sociale, aux personnes migrantes notamment. «Aujourd’hui, on assiste à une instrumentalisation de l’aide sociale par le droit des étrangers, puisque l’accès aux prestations est utilisé comme instrument de contrôle et de gestion de la population immigrée», tance Caroline Regamey.

Pour le moins, un filet humanitaire en temps de crise devrait être mis en place afin de respecter l’article 12 de la Constitution qui prévoit: «Quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.»

Permettre aux personnes de nationalité étrangère d’accéder en tout temps aux aides sociales sans mettre en péril leur statut est aussi nécessaire selon l’organisation. Tout comme faciliter l’accès à l’information par la mise en place de lieux neutres, à l’image du récent Bureau d’information sociale créé à Genève.

Face au non-recours et au renoncement fréquent des personnes dans le besoin à faire valoir leurs droits, le CSP préconise également d’octroyer automatiquement certaines prestations, comme la réduction des primes d’assurance-maladie.

Enfin il s’agit de «garantir un minimum vital unifié», car comme le dénonce Caroline Regamey: «Cette inégalité des droits selon les cantons est un problème de fond. S’il y a des recommandations nationales quant au minimum vital, il n’est pas le même partout. Sans compter les cantons qui demandent encore un remboursement!»

Témoignage

Une employée active dans le secteur de l’aviation témoigne des difficultés rencontrées depuis une année: «Je suis en RHT. Le 80% que je touche ne tient pas compte des compléments que je recevais avant en travaillant les soirs, le matin tôt ou les week-ends. Cela me fait quelque 1500 francs de moins par mois sur un salaire qui se montait auparavant à 5000 francs environ. Or mon loyer se monte toujours à 1800 francs, et j’ai des frais de dentiste importants. Avant de me retrouver dans un gouffre financier, j’ai pris contact avec le CSP qui m’aide pour ces frais. Quand mon salaire arrive, je paie mes factures et il ne me reste plus rien. Cela devient de plus en plus difficile. J’ai quelques retards dans le paiement de mes impôts.» A quelques années de la retraite, elle regrette de ne plus travailler à 100%. «J’adore mon métier. Et j’aime être active», dit celle qui a rapidement fait du bénévolat «pour se sentir utile».

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