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«Le piano, c’est mon yoga»

Portrait de Didier Puntos.
©Thierry Porchet

Chantant enfant dans une chorale, Didier Puntos a découvert avec le piano, «une voix et sa voie».

Pianiste, compositeur ou encore chef d’orchestre, Didier Puntos a construit son existence sur son amour de la musique. Une vie qu’il compare à une polyphonie harmonieuse

«J’étais avec Debussy», lance Didier Puntos en rangeant les partitions qui retenaient son attention sur le trajet en train le conduisant à Genève. Partageant sa vie entre Massongy – commune de Haute-Savoie où il réside avec sa compagne et leurs quatre enfants – Lyon et la Suisse romande, ce Français de 60 ans cumule les déplacements comme les casquettes professionnelles. Pianiste, compositeur, chef d’orchestre, l’homme excelle aussi dans la réécriture de pièces musicales. Et apprécie particulièrement les projets qui mettent à contribution ses talents pluriels, comme dans l’opéra-comique Cendrillon de Viviane Viardot, présenté en novembre dernier à Lausanne. «Un vrai défi... Mais c’est alors le nectar du métier. La polyvalence creuse l’acte musical dans ses multiples déclinaisons», affirme cet artiste bardé de diplômes entre celui de l’Ecole normale de Paris, du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon ou encore son titre de chef de chant à l’Atelier lyrique de l’opéra de Lyon et son certificat de professeur. Alors qu’il n’a eu de cesse d’approfondir sa pratique pianistique aussi bien dans le domaine du récital, du concerto, de la musique de chambre, du lied et de la mélodie. Enregistrant de nombreux succès et obtenant une reconnaissance internationale. Mais si ce sympathique natif du Gémeau sait tout faire ou presque dans son créneau, il aime par-dessus tout jouer du piano et se produire en concert.

Un rôle de passeur

«Le piano, c’est mon yoga. Mon équilibre. Mon centre de gravité», affirme le musicien appuyant régulièrement ses propos par des gestes de ses longues et belles mains. Et l’homme de raconter que, à la suite d’un accident de scooter en 2016, il avait dû renoncer à sa pratique deux mois durant. «Une période longue, difficile. Le clavier est vital pour moi. Ce contact physique, très important.» Une sensation que cet amoureux de Debussy, Beethoven, Schubert mais aussi du contemporain Ligeti, associe à «un élan de l’ordre d’un acte de vie, une étincelle». «Etre musicien, c’est déployer une forme, un récit, une construction musicale aux niveaux du son, du timbre, de la texture, de l’énergie, du tempo dans l’instant et sur un temps plus large. Une manière de densifier le temps.» Et d’en faire, évidemment, profiter le public, essentiel pour Didier Puntos. «J’ai un rôle de passeur. Ma mission consiste à partager cette matière magnifique qu’est le son. Chaque jour, je côtoie les œuvres de compositeurs qui ont marqué l’histoire. Et j’ai la chance de pouvoir en faire profiter d’autres personnes.» Plus que des mots dans la bouche de cet artiste et pédagogue, qui, chargé de la programmation des concerts de musique de chambre et des récitals de voix et de piano au théâtre du Crochetan à Monthey, ne manque jamais d’offrir des «clés d’écoute» aux spectateurs. En espérant aussi titiller leur curiosité, nourrir leur envie d’approfondir les propositions...

Pleinement épanoui

Clé de voûte de son existence, la musique qui enchante tant Didier Puntos a su aussi séduire ses quatre garçons âgés de 12 à 25 ans. Tous jouent d’un instrument. Avec leur mère, chanteuse, la tribu organise des concerts familiaux lors d’événements spéciaux. Didier Puntos a aussi transmis aux siens son goût des voyages et surtout de la marche. Ensemble, ils aiment parcourir des paysages désertiques. «Une manière de rentrer en soi et des souvenirs inoubliables», affirme le jeune sexagénaire qui confie être très heureux. «Je suis pleinement épanoui. Ma vie s’apparente à une polyphonie harmonieuse, cohérente, pleine de belles énergies. J’ai conscience d’être privilégié – même si rien n’a été gratuit et a nécessité beaucoup de travail et de rigueur – et ressens le besoin de redonner.» Une attitude en phase avec la personnalité de cet homme solaire, très communicatif – il aime les notes, mais également les mots – à l’aise dans les relations humaines, la formation et la direction de groupes. Et le professeur qui enseigne la musique de chambre d’inviter les jeunes à «oser, à ne rien s’interdire». «On est le plus souvent les seuls à étriquer sa vie.» Assurément, Didier Puntos aura su de son côté aller au bout de ses rêves.

Parole non dite

Issu d’un milieu relativement modeste sans lien avec la musique, Didier Puntos, jeune, fait plutôt figure de «canard boiteux» quand il manifeste son intérêt pour le domaine artistique. «Enfant, je suis entré dans une chorale. Une révélation. Je chantais tout le temps. A 11 ans, on m’a inscrit au Conservatoire de Lyon... mais comme ma voix allait muer, j’ai été orienté vers un instrument. Il y avait une place libre pour apprendre le piano... J’ai alors trouvé ma voie et ma voix, par hasard», raconte Didier Puntos qui témoigne de sa peur, avec les années, de voir ses activités diminuer, de ne plus pouvoir mener des projets de A à Z. «La composition prendra alors peut-être le relais», balaie néanmoins cet optimiste, soutenu par un enthousiasme, une curiosité, un désir d’apprendre permanents. Tout en se défendant d’être hyperactif. «Je laisse aussi de la place à des latences, des rêveries, notamment dans l’écriture.» Interrogé sur sa définition de la musique, le pianiste prendra d’ailleurs un temps de réflexion avant de répondre: «C’est la parole qu’on ne pourrait dire. Plus que ça en fait, une grammaire. Un espace pour nos zones cachées et nos envies de transcendance. Un moyen d’expression d’une force incroyable, échappant à une construction strictement objective, rationnelle. Le son ne s’attrape pas.» Mais à coup sûr, Didier Puntos sait comment le magnifier...