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Le Parlement méprise à nouveau les femmes

Une session pour rien. Ou pour pas grand-chose. Alors que déferlait une nouvelle vague violette sur la Suisse, la session extraordinaire «Egalité» du Parlement fédéral, sollicitée par le Parti socialiste et les Verts, a accouché d’une souris. Et encore. Le 14 juin, le Conseil des Etats a ouvert les feux de cette séance particulière avec, à l’ordre du jour, quatre objets visant à faire un pas vers davantage de justice pour les femmes. Il s’agissait d’inscrire la prévention du harcèlement sexuel dans la formation professionnelle initiale et les gymnases, de réduire le temps de travail à 35 heures sans baisse de salaire pour les bas et moyens revenus, de traduire l’égalité salariale dans les faits en obligeant les entreprises dès 50 employés, et non plus 100 comme actuellement, à effectuer une analyse des rémunérations, et enfin d’étudier la problématique de la «taxe rose» sur les biens de consommation féminins. Les sénateurs bourgeois, et la plupart des sénatrices de leur camp, ont rejeté ces quatre requêtes proposées par des élues socialistes et Vertes.

Au Conseil national, qui a débuté sa session spéciale plus tard dans la journée, rebelote. Les élus devaient se prononcer sur huit propositions: quatre identiques à celles du Conseil des Etats, une d’un conseiller national UDC, et trois autres déposées par la droite et les Verts libéraux. Les quatre premières ont elles aussi été balayées. Celle de l’élu UDC également, ce qui est plutôt positif car elle remettait en cause certaines indemnités pour des tâches effectuées par des proches aidantes. Seules trois des propositions ont passé la rampe. L’une prévoit de quantifier la valeur des tâches familiales pour une «meilleure exploitation de ce travail», l’autre demande au Conseil fédéral de mieux légiférer pour empêcher la discrimination de genre ou d’orientation sexuelle à l’embauche et dans les relations professionnelles. Enfin, la troisième réclame une analyse détaillée des causes de l’écart salarial entre hommes et femmes «en fonction de l’état civil pour toutes les tranches d’âge». Certes, toute mesure favorisant plus de justice et d’équité est bonne à prendre. Mais face aux inégalités persistantes et massives, notamment en matière de salaires et de rentes, ces décisions sont marginales. Alors que des actions d’ampleur sont nécessaires, comme l’ont réclamé quelque 300000 femmes dans la rue il y a une semaine. La question centrale reste: Comment faire?

Le Parlement nous montre son incapacité à avancer pour simplement faire appliquer la Constitution et une loi interdisant la discrimination dans les relations de travail. Il y a quatre ans, la vague violette avait porté un nombre exceptionnel de femmes au Conseil national, soit 42% des élus. Du jamais-vu jusque-là. Mais cela n’aura pas suffi à faire bouger les lignes. Les femmes bourgeoises, qui se plaignent aujourd’hui d’une division du mouvement féministe, sont les mêmes qui, pendant quatre ans, n’ont pas empêché des dégradations massives du droit des femmes: obligation de travailler un an de plus pour toucher l’AVS, au nom de l’égalité, et adoption d’une révision du 2e pilier qui n’aboutira à aucun progrès pour combler les énormes différences de rentes des femmes.

L’élan et la colère du 14 juin devront se concrétiser sous d’autres formes, sur les lieux de travail, dans les négociations salariales, dans le rapport de force avec les employeurs. C’est là que l’on peut entrevoir la possibilité d’un changement, face à un patronat plus enclin à perpétuer un système lui permettant d’économiser des milliards de francs en continuant à payer moins le personnel féminin. Et face à un gouvernement inflexible devant l’injustice et la détresse de dizaines de milliers de femmes plongées dans la précarité.