Aller au contenu principal
Menu

Thèmes

Rubriques

abonnement

En finir avec le harcèlement sexuel

Les travailleurs et syndicalistes ont défilé au bord du lac entre deux hôtels genevois appartenant à Mariott
© Neil Labrador

Les travailleurs et syndicalistes ont défilé au bord du lac entre deux hôtels genevois appartenant à Mariott : le Ritz-Carlton et le Président Wilson.

Plusieurs dizaines de syndicalistes et de travailleurs du monde entier se sont réunis à Genève pour demander au groupe hôtelier Marriott de s'engager à mieux protéger ses employés

La fédération syndicale UITA* a choisi Genève comme première étape de sa grande campagne internationale contre le harcèlement sexuel et la violence sexiste dans le secteur de l'hôtellerie restauration. Leur «cible»? Marriott, le premier groupe hôtelier mondial avec plus de 6400 hôtels dans 126 pays, 220000 employés et des bénéfices globaux de près d'un milliard de dollars. L'idée? Convaincre le groupe d'agir aux côtés des syndicats pour mettre fin à ces fléaus, endémiques dans la branche. Le 29 mai, ils étaient environ 100, travailleurs et syndicalistes des quatre coins du monde, pour exiger de Marriott qu'il s'engage en faveur d'un environnement de travail sûr dans tous ses hôtels. Les militants se sont d'abord donnés rendez-vous devant le Ritz-Carlton, anciennement Hôtel de la paix, puis se sont dirigés vers l'Hôtel Président Wilson, tous deux aux mains dudit groupe. Originaires d'Asie, d'Afrique, d'Amérique du Nord ou encore des pays européens voisins, les manifestants, qui se rencontraient pour la première fois, ont fusionné en un cortège uni, coloré et bruyant. Dans la bonne humeur, ils ont scandé des slogans en français, en anglais et en espagnol, à chaque fois pour exiger le respect des travailleurs et de meilleures conditions de travail. «Genève est une ville symbolique de par sa dimension internationale, lance Sue Longley, secrétaire générale de l'UITA. Elle accueille des gens puissants et héberge de nombreuses organisations internationales et multinationales. Certains louent les chambres d'hôtels et croient aussi louer les services des travailleurs. Le client n'est pas toujours roi, les travailleurs ont aussi des droits et ils doivent pouvoir exercer leur métier sans être harcelés.»

Montrer l'exemple

Les revendications de l'UITA, dont fait partie Unia, sont les suivantes: prévenir ou décourager le harcèlement sexuel (règlement visible pour tous, fin du travail isolé, formations régulières, prédominance de l'emploi régulier direct), mettre en place des mesures permettant de réagir immédiatement à des situations de harcèlement sexuel (dispositif d'alarme sur soi et droit de quitter une situation dangereuse sans représailles de la part de l'employeur), et enfin, s'assurer que les victimes de harcèlement sexuel rendent compte de tels cas et que leurs plaintes soient traitées promptement et équitablement (création d'un organisme de surveillance indépendant, interdiction de séjour pour les clients ayant commis des abus).

Une première délégation de personnes s'est présentée au Ritz-Carlton. «Les managers qui nous ont reçu ont salué notre démarche et nous ont assuré qu'ils se souciaient de nos préoccupations syndicales et qu'ils faisaient le nécessaire», rapporte Artur Bienko, secrétaire syndical d'Unia. L'accueil n'a pas été aussi chaleureux au Président Wilson. «Nous sommes restés sur le palier. La direction s'est contentée de réceptionner le courrier, sans réponse ni discussion.» 

L'UITA insiste: «Cette situation n'est pas le propre de Marriott, mais ce groupe hôtelier est particulièrement bien placé pour la faire évoluer et établir de nouvelles normes pour l'industrie hôtelière. Il s'agit de trouver une solution mondiale à ce problème mondial. Les solutions ponctuelles ne suffisent pas.» 

Témoignages

Rita Goyit, Nigeria Labour Congress, Nigeria

«Je suis ici aujourd'hui par solidarité avec les camarades du monde entier. Les situations d'injustice sont les mêmes partout. Les travailleurs ont des droits, et ceux-ci doivent être respectés. Ils ont besoin d'être protégés sur leur lieu de travail et d'être traités avec dignité et respect.»

Surya Bahadur Kunwar, président du syndicat indépendant des travailleurs de l'hôtellerie du Népal

«Cette campagne est très importante, car Marriott est le plus grand groupe hôtelier du monde. En les forçant à négocier, nous obtiendrons des avancées qui auront des répercussions dans le monde entier. Nous devons privilégier le bien-être au travail et des mesures durables.»

J. K., employée de restaurant à Hawaï

«Je travaille dans un établissement qui appartient au groupe Marriott. Ce combat a une dimension personnelle pour moi, car j'ai été victime de harcèlement sexuel à deux reprises sur mon lieu de travail. J'ai été agressée sexuellement par un client et j'ai aussi connu un incident avec mon responsable. Marriott a aujourd'hui l'opportunité d'envoyer un message fort et de faire la différence en mettant en place des mesures de protection pour ses employés. J'espère que l'entreprise saisira cette chance.»

C. C., femme de chambre, Espagne

«Je suis femme de chambre depuis 23 ans, dont 9 pour le groupe Marriott. Au quotidien, nous avons de plus en plus de mal à accomplir les tâches demandées, car nous sommes surchargées. Cela entraîne de nombreuses maladies professionnelles. Pour ma part, j'ai dû être opérée après la rupture de deux tendons à l'épaule, et j'ai aussi eu des problèmes au poignet. L'entreprise ne respecte ni les dispositions sociales, ni les obligations légales en matière de vacances ou de pauses. Les clients nous méprisent en permanence. A l'école, on a dit à ma fille de 6 ans que je ne pouvais pas venir parler de mon travail aux élèves, car il n'y avait rien à dire à ce sujet... Nous avons besoin d'un salaire juste et d'un travail digne et sûr.»

B. R., femme de chambre, Canada

«Je travaille dans un hôtel du groupe Marriott. Le caractère international de cette campagne est fondamental, car la problématique est globale. Les patrons ne respectent pas les employés, et ce aux quatre coins du monde. Aujourd'hui, nous sommes là pour transmettre un message clair: Marriott doit arrêter et apprendre à respecter ses employés. De mon côté, je n'ai jamais été victime de harcèlement, car j'ai du caractère et je sais me défendre. Une fois, un client a tenté de m'agresser, je l'ai remis à sa place tout de suite et il s'est même excusé. Mais ce n'est pas le cas de toutes mes collègues. Nous devons sortir du silence et dire que nous n'acceptons plus d'être traitées ainsi. Etre rassemblés et tous unis à Genève est très émouvant.»

S. D., syndicaliste, Ethiopie

«J'étais délégué syndical à l'hôtel Sheraton. Tous ceux qui étaient syndiqués, à savoir 65 personnes, ont été licenciés. Aujourd'hui, il n'y a plus de présence syndicale dans l'établissement et il est très difficile de reconstruire cette résistance. Nous avons porté l'affaire devant les tribunaux mais nous avons été déboutés. Si je suis ici, c'est parce que Sheraton et Marriott ont les mêmes attitudes envers les syndicats. Il est capital de montrer notre soutien et notre solidarité aux collègues.» 

* Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes.

Pour aller plus loin

«Les victorieuses»

Le 11 novembre, avant leur conférence, Sylvie Eper Kimissa, Claude Lévy, Tiziri Kandi et Rachel Raïssa Keke sont venus soutenir les grévistes de Smood, lors de leur piquet de grève à Lausanne.

Des femmes de chambre grévistes de l’hôtel Ibis Batignolles à Paris sont venues parler de leur lutte à Lausanne: 22 mois de combat dont 8 de grève effective. Un exemple pour tout syndicat

Conférence avec les femmes de chambre grévistes de l’hôtel Ibis Batignolles

Grévistes devant l'hôtel Ibis Batignolles à Paris.

Les femmes de chambre grévistes de l’hôtel Ibis Batignolles à Paris seront à Lausanne le 11 novembre prochain. Elles sont invitées par le comité hôtellerie-restauration du syndicat...

La restauration a faim de personnel

Cuisinier.

Face à la pénurie d’employés, une revalorisation des métiers de l’hôtellerie-restauration est nécessaire, selon Mauro Moretto, responsable de la branche à Unia. Entretien

Confiserie amère...

Action de soutien organisée par Unia aux abords de la confiserie.

Défendus par Unia, des employés de la Confiserie Werth dénoncent des heures de travail non payées et une fraude au chômage partiel. Le syndicat a organisé une action de soutien à Delémont et continuera à se battre afin d’obtenir justice pour le personnel concerné