Dire Oui à l’aide aux médias, c’est aussi dire Non à l’avidité du camp adverse
A grand renfort d’affiches, les opposants au train de mesures en faveur des médias jouent en faveur des grands groupes et des gens de pouvoir qui espèrent affaiblir la presse indépendante
Ils se battent pour la démocratie, l’indépendance et la crédibilité: c’est du moins ce que clament à cor et à cri les pontes du camp opposé à l’aide aux médias. Mais dans le fond, c’est surtout d’argent qu’il s’agit pour bon nombre d’entre eux. Le leur.
Mais d’où viennent donc les millions injectés dans la publicité contre les prétendus «milliards du contribuable» (sic) pour les «millionnaires zurichois des médias», respectivement pour un Non au paquet d’aides aux médias? Impossible de le savoir réellement, puisque la transparence fait encore cruellement défaut en Suisse sur le financement des campagnes de votations et d’élections. Il est toutefois évident que les milieux qui ont déboursé autant pour la campagne du Non savent très bien qu’il s’agit là d’un «investissement» qui, à long terme, leur sera directement profitable.
En effet, en cas de Non au train de mesures en faveur des médias, on n’en restera pas simplement au statu quo. La concentration du paysage médiatique poursuivra inexorablement son cours. Et les victimes en seront les citoyennes et les citoyens (appauvrissement du contenu informatif, indispensable à la démocratie), les journalistes (toujours plus de suppressions d’emplois et de diminutions des salaires) et la population rurale (là où il y a peu d’habitants, cela vaut encore moins la peine d’avoir une couverture journalistique). Ceux qui profitent de cette évolution sont les protagonistes qui parviennent à se tailler une part toujours plus grande d’un gâteau publicitaire qui ne cesse de fondre (de plus en plus d’argent de la publicité part vers Google et Facebook). Un exemple emblématique est celui de l’empire opaque de la presse gratuite de l’ancien conseiller fédéral Christoph Blocher: bien placé du côté des recettes (position idéale sur le marché publicitaire) et en totale maîtrise du côté des dépenses (faibles coûts en raison des contributions modestes de la part des rédactions).
Qui révélerait l’affaire Maudet ou les connivences de la pharma?
Mais ces quelques protagonistes de la branche des médias ne seraient de loin pas les seuls à bénéficier d’un refus du paquet d’aides aux médias. Ce n’est pas un hasard si les médias sont aussi appelés le «quatrième pouvoir»: ils ne se contentent pas de relater les événements, mais ont une fonction de contrôle démocratique indispensable. Les escapades de Pierre Maudet à Genève, les remous autour de la fondation Bührle à Zurich, les détails de la connivence avec l’industrie pharmaceutique à Bâle ou le cartel de la construction dans le canton des Grisons: toutes ces situations et ces péripéties ne seraient peut-être jamais parvenues au grand jour sans un travail journalistique sérieux et fondé. Autrement dit: là où les médias (locaux) sont moins présents pour les tenir à l’œil, les gens de pouvoir ont beaucoup plus de marge de manœuvre pour agir à leur guise. Et, s’il le faut, même au détriment des gens ordinaires: les contribuables, les consommatrices et les consommateurs, les salariées et les salariés.
En ce sens, le camp du Non au paquet d’aides aux médias a raison lorsqu’il dit qu’il s’agit, le 13 février, d’une question de principe: voulons-nous abandonner définitivement la couverture en informations à la loi du marché et nous contenter d’une simple «soupe» qui génère des clics ou des tirages, et donc des recettes publicitaires? Ou sommes-nous prêts à reconnaître comme il se doit la fonction sociale et démocratique irremplaçable de l’information journalistique et à définir par conséquent un service public (au moins minimal) dans ce domaine? Les syndicats s’engagent avec détermination pour ce deuxième principe et appellent à voter Oui au paquet d’aides aux médias.