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Devoir de solidarité

Au lendemain de la victoire éclair des talibans en Afghanistan, le risque d’une crise migratoire majeure se profile. Une inquiétude nourrie par les images de milliers de désespérés tentant de fuir la capitale dans un chaos sans nom, les attentats meurtriers revendiqués par le groupe djihadiste Etat islamique et la peur que suscitent les nouveaux maîtres des lieux malgré des déclarations qu’ils ont voulues rassurantes. Mais comment ne pas se méfier des insurgés islamistes qui, au pouvoir de 1996 à 2001, avaient instauré un régime brutal et privé les femmes de droits élémentaires? Au regard des menaces qui pèsent sur les personnes ayant travaillé avec les alliés étrangers et l’ancien gouvernement, les militants des droits humains, les journalistes, médecins, enseignants, artistes... femmes en tête... en quête d’un sésame occidental, quelle réponse sera apportée? Maintenant la date de leur départ, les Etats-Unis ont montré les limites de leur empathie – mais n’en ont-ils jamais eu? – acceptant de facto que tous leurs anciens collaborateurs ne peuvent être sauvés. Du côté de l’Union européenne, plusieurs chefs d’Etat ont confié redouter une arrivée massive de réfugiés. Aucune volonté commune de solidarité ne s’est dessinée. Les locomotives française et allemande se sont engagées à aider les personnes les plus vulnérables en quête de protection, tout en tenant des discours ambivalents. Entre générosité contenue et méfiance. Berlin mise, dans un premier temps, sur des solutions régionales; Paris veut se protéger contre des flux migratoires irréguliers importants générateurs de dangers et de trafics en tous genres... Cynique renversement des craintes. La Grèce a prévenu, pour sa part, qu’elle refoulera les nouveaux arrivants à ses portes. Quant à la Turquie, partenaire de l’UE dans ce dossier, elle n’entend pas jouer une nouvelle fois le rôle d’Etat tampon. Comptant sur son sol plus de 3,7 millions d’exilés syriens – un accueil monnayé très cher – Istanbul s’attèle désormais à ériger un mur à la frontière avec l’Iran, visant à contenir les afflux de migrants afghans...

La Suisse n’a pas davantage brillé par sa compassion. Et a surtout affiché sa fierté d’avoir pu évacuer la plus grande partie de son personnel local, soit quelque 230 Afghans en comptant leurs familles. Autosatisfaction pour une poignée de rescapés qui sera déduite du contingent de 800 réfugiés admis pour l’année via ce mode opératoire. Pas question de prévoir de quotas supplémentaires malgré les requêtes du HCR. Sans surprise, la Confédération préfère temporiser, orientant également son discours sur une aide sur place et dans les pays voisins. Et offrant ses bons offices pour favoriser le dialogue entre les parties. Plusieurs voix se sont pourtant élevées pour l’appeler à faire preuve de davantage d’humanité et d’hospitalité. Des milliers de personnes ont plaidé en faveur de l’accueil d’au moins 5000 Afghans. Des associations actives dans le domaine de l’asile, une coalition de juristes indépendants, la Gauche ou encore la Ville de Genève sont montées au créneau avec des demandes raisonnables. Berne doit ouvrir des voies d’accès sûres, délivrer des visas humanitaires, favoriser les regroupements familiaux sans bureaucratie, recevoir sur son sol un nombre à définir de personnes en détresse en butte aux représailles des talibans. Des actes à sa portée. Il ne s’agit pas de céder à la seule émotion, comme ont commenté certains, mais bien de se mobiliser pour contribuer à sauver des vies en assumant un devoir de solidarité essentiel. Et au nom de droits humains et de libertés partagées que se sont attachés à défendre des femmes et des hommes valeureux risquant désormais d’en payer le prix fort.