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«De l’argent pour les salaires, pas pour les banques ni pour les guerres!»

Lausanne.
© Olivier Vogelsang

A la faveur de défilés, de rassemblements, d’actions et de festivités, des dizaines de milliers de personnes ont participé aux manifestations du 1er Mai dans tout le pays. Temps forts en Suisse romande

 

Le 1er Mai, des dizaines de milliers de travailleurs et de travailleuses sont descendus dans la rue dans une cinquantaine de localités suisses. Avec 11000 personnes, Zurich a accueilli la plus grande manifestation. Dans un discours, l’économiste en chef de l'Union syndicale suisse (USS), Daniel Lampart, y a dénoncé les «salaires stratosphériques» de certains managers. «Pendant ce temps, dans des branches essentielles à notre survie à toutes et tous, les salaires payés ne suffisent pas toujours pour vivre, même avec un apprentissage. Il est temps que les choses changent.» L’augmentation des salaires et la baisse des primes maladie étaient les revendications principales portées par l’USS pour ce 1er Mai. «Après la victoire historique pour la 13e rente, nous avons une nouvelle possibilité de faire la différence le 9 juin prochain avec l’initiative des 10% qui permettrait de limiter la charge des primes», a résumé, dans son intervention à Delémont, la vice-présidente d’Unia, Véronique Polito, en évoquant aussi les négociations salariales qui s’ouvriront en automne et pour lesquelles il faudra se mobiliser. Les cortèges étaient aussi placés sous le signe de la solidarité avec Gaza, les slogans en faveur du cessez-le-feu rythmant les défilés colorés par les drapeaux palestiniens.


LAUSANNE   «Rouge de colère, verre de rage!»

«Vetropack à Saint-Prex!» Le défilé lausannois, fort d’un petit millier de personnes, a été marqué par la présence d’une importante délégation d’employés de la dernière verrerie de Suisse manifestant pour sa sauvegarde. «Rouge de colère, verre de rage!» ont scandé les salariés révoltés par la décision de fermeture de l’usine créée en 1911 et qui entraînerait la suppression de 175 places de travail. «Pourvu qu’on parvienne à sauver l’entreprise», espère un ouvrier d’origine slovaque, 46 ans, qui précise participer pour la première fois à une manifestation. Et l’homme d’ajouter, étonné, qu’il regarde l’événement «comme un hibou». «Je suis déçu, témoigne un de ses collègues. On a tout donné à la société. Le meilleur de nous-mêmes. Et on nous laisse tomber.» Pinto, comptabilisant 23 années de service au sein de la société, ne cache pas son amertume. Il veut néanmoins y croire encore. «Je reste optimiste. Nous devrions pouvoir inverser la tendance. Sous réserve également que les politiciens fassent pression. Dans le cas contraire, ça va être difficile», soupire le travailleur de 53 ans. Au micro, Joao Ferreira, président de la commission du personnel, a souligné le caractère pionnier de Vetropack en matière de recyclage et insisté sur son savoir-faire «inestimable». Il a appelé le conseil d’administration à annuler sa décision au profit du maintien d’un site écologique et enfin socialement responsable. Un autre combat a marqué le 1er Mai dans la capitale vaudoise avec la mobilisation, le matin, d’assistantes en pharmacie qui ont lancé une pétition pour réclamer l’ouverture de négociations en vue d’une convention collective de travail. Cette action s’est déroulée en présence du président de l’Union syndicale suisse, Pierre-Yves Maillard, venu les soutenir dans leur démarche. La Fête des travailleuses et des travailleurs aura aussi permis de rendre visibles les principales luttes syndicales nationales, dont le plafonnement des primes maladies et la campagne, en septembre, en faveur d’une augmentation substantielle des rémunérations. Au niveau vaudois, la bataille se poursuit pour l’introduction d’un salaire minimum, qualifié «d’urgence sociale».

Sonya Mermoud / photo Olivier Vogelsang


GENEVE   Les droits politiques pour toutes et tous mis en avant

Au bout du lac, près de 2500 personnes ont battu le pavé, de la gare jusqu’au parc des Bastions, sans oublier le stop sur le pont du Mont-Blanc en clin d’œil aux maçons.

A leur habitude, les ramoneurs ont ouvert le bal, suivis par les syndicats et les partis de gauche. «Solidarité avec la Palestine. Protection des salaires. Droits démocratiques pour tou.te.x.s», ainsi était baptisée la banderole de tête du cortège. «Cette année, nous avons mis en avant le thème du droit de vote des étrangers à Genève, qui sera soumis au vote le 9 juin prochain», souligne Yves Defferrard, responsable ad interim d’Unia Genève. «Nous avons également repris les revendications nationales concernant les salaires, le pouvoir d’achat et la pression au travail.»

La manifestation a également réuni les féministes, les chômeurs, les activistes du climat et les retraités. La solidarité internationale était au rendez-vous, avec notamment un soutien particulier et massif au peuple et aux travailleurs palestiniens. «Pour la liberté, l’égalité et la justice en Palestine», ont scandé les militants. 

Le défilé s’est terminé aux Bastions, dans une ambiance bon enfant, entre grillades et musique. «Je suis très fier de cette mobilisation et de son organisation», réagit Yves Defferrard, qui aura vécu son premier 1er Mai dans la Cité de Calvin. «Toutes les équipes d’Unia Genève et de la Caisse de chômage se sont investies pour cette journée et c’est un succès!»

Manon Todesco / photo Thierry Porchet


LA CHAUX-DE-FONDS   Un vent d’espoir

A 14h pile, le cortège s’ébranle dans la Métropole horlogère. Sous le soleil, plusieurs centaines de personnes quittent la salle Ton sur Ton après un repas convivial, un discours sur la future votation sur la LPP et un autre sur l’anniversaire de la Révolution des œillets au Portugal. Silvia Locatelli, secrétaire régionale d’Unia, à l’instar d’autres camarades, a le sourire: «Ce 1er Mai marque un nouveau regain de mobilisation. Avec le succès d’AVS x 13, le vent tourne.» Comme l’indique une pancarte, «Les bons révolutionnaires, ce n’est pas que ceux d’hier!» 

Un premier slogan résonne dans les rues de La Chaux-de-Fonds: «Patron, patrie, patriarcat, même racine, même combat!» La banderole de tête invoque les fondamentaux: «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!» Les drapeaux flottent, ceux d’Unia, du SSP, du POP, de SolidaritéS, des anarchistes, du Kurdistan, de la Palestine, de la Colombie, de la Grève du climat, de Che Guevara… «Fin du monde, fin du mois, même combat!» retentit dans les rues tranquilles. D’autres lâchent plus radicalement: «La retraite, on s’en fout, on veut plus bosser du tout!» 

Arrivée sur la place de la Gare, Suzanne Zaslawski, militante du comité industrie d’Unia, prend le micro: «Tout augmente sauf les salaires, surtout ceux de la classe ouvrière et des femmes.» En écho, une jeune éducatrice de la petite enfance, s’exprime ensuite: «Mon salaire est de 3470 francs net à 80%, après cinq ans d’études, où est la reconnaissance?» Le conseiller national socialiste neuchâtelois Baptiste Hurni prend ensuite la parole, conspuant les jeunes PLR qui veulent interdire le 1er Mai comme jour férié. «C’est une preuve que la droite a peur. Les dernières votations ont montré que la coupe est pleine et qu’il est possible en Suisse de voter pour des mesures sociales!» Et d’appeler à la mobilisation pour les votations du 9 juin sur l’allègement des primes.

Le cortège reprend, longeant le «Pod» (l’artère principale de La Chaux-de-Fonds), aux sons des tambours et de L’Internationale, avant de remonter au point de départ où d’autres discours et concerts sont prévus. «C’est un beau cortège», conclut Christian Weber, délégué d’Unia de la branche horlogère, en enroulant son drapeau, car le vent tout à coup se lève, emportant au loin les cris d’espoir internationalistes: «Free, free Palestine! Viva, viva Palestina!»

Aline Andrey / photo François Graf, Strates


DELEMONT   La jeunesse en force

Près de 300 personnes ont participé au cortège du 1er Mai interjurassien à Delémont. Très applaudie pour son courage et sa détermination, c'est une apprentie coiffeuse de 19 ans, Lana Voisard, qui a ouvert les feux à la tribune, en plaidant pour de justes conditions de travail et le réveil des consciences face aux injustices salariales. Dans la foulée, la vice-présidente nationale d'Unia, Véronique Polito, a notamment déploré les attaques patronales contre les salaires minimums cantonaux. Elle a également insisté sur la nécessité de protéger les salaires dans le cadre des négociations européennes: «Nous appelons le patronat à cesser, par son attitude et ses attaques, d'amener systématiquement de l'eau au moulin de la droite nationaliste.» K

Pierre Noverraz


YVERDON   «Notre solidarité peut mettre fin à la violence»

Yverdon a vécu un 1er Mai très combatif et internationaliste. Des «Cessez-le-feu!», «Libérez la Palestine!», «Solidarité avec les travailleurs du monde entier!» ou encore «De l’argent pour les salaires, pas pour les guerres!» ont retenti dans les rues de la vieille-ville du Nord vaudois, où une cinquantaine de personnes ont défilé. «Tout n’a pas commencé le 7 octobre 2023», a expliqué Lisa, dans un discours prononcé sur la place Pestalozzi. «En novembre 1948, ma famille a été expulsée de notre village de Biram, nous sommes devenus des réfugiés dans notre propre pays. Les enfants de Gaza sont les enfants de la Nakba», a lancé cette réfugiée palestinienne en Suisse, en faisant référence à l’expulsion de centaines de milliers d’habitants du territoire israélien. Dans une intervention commune, Jérôme Lebon, Fiona Donadello et Nicolas Messoumian ont salué les actions de désobéissance des travailleurs qui, à travers le monde, bloquent les entreprises d’armement ou refusent d’en transporter, ainsi que les mouvements d’occupation par les étudiants. «Notre force collective et notre solidarité peuvent mettre fin à la spirale de violences», ont déclaré ces secrétaires syndicaux d’Unia Vaud. La manifestation s’est poursuivie dans les caves du Château d’Yverdon par un débat sur les luttes ouvrières d’hier et d’aujourd’hui. Historien au Collège du travail, Patrick Auderset a évoqué l’emblématique grève des cigarières en 1907 à Yverdon, qui avait conduit à un boycott et à la création d’une coopérative ouvrière et d’une marque, La Syndicale, en soulignant que connaître cette histoire peut donner des idées pour le présent. Les mouvements peuvent, en effet, se nourrir les uns des autres, comme l’a rappelé Corinne Meier, employée de Vetropack: «Les salariés de Novartis, qui ont réussi à sauver leurs emplois, nous ont donné l’impulsion.»

Jérôme Béguin / photo Thierry Porchet


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