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A corps perdu

Portrait de Cédric Jorge Borges en action.
© Thierry Porchet

«Je m’entraîne quand j’en ressens le besoin, “au feeling”», indique Cédric Jorge Borges, qui se passionne aussi pour la mode et le football.

Champion du monde de hip-hop, Cédric Jorge Borges s’exprime en mouvement. Au-delà des mots

Deux blazes (surnoms): Stylez’c et Stalamuerte. L’ange et le démon. Métaphore des différentes facettes de Cédric Jorge Borges. Un danseur au verbe franc. Au sourire lumineux et à l’histoire touchante. Difficile à trouver, le studio du jeune homme se laisse deviner grâce à la musique qui s’en échappe. Il faut être attentif pour remarquer en contrebas de la rue, sous l’église et face au terrain de football, la «salle du temps». Repaire et lieu de travail de Cédric Jorge Borges. On s’étonne lorsqu’il raconte que c’est dans cette pièce exiguë qu’il a préparé les championnats du monde. Baignée de lumière, la pièce se révèle presque vide à l’exception de quelques chaises et du miroir du fond. Aujourd’hui âgé de 27 ans, il se souvient: «C’est mon grand frère qui m’a transmis la passion du hip-hop. Une fois, il m’a emmené à une battle et j’ai directement croché. Puis plus tard, un de ses amis m’a repéré et il m’a fait intégrer son école. J’y suis resté environ cinq ans. C’est la seule formation que j’ai reçue dans le domaine.»

Prix en cascade

Le jeune danseur s’essaie d’abord au break dance, puis au smurf (danse caractérisée par des mouvements saccadés et ondulatoires), avant de finalement se diriger vers le hip-hop. Il pratique également du football en parallèle. Jusqu’à ses 16 ans où il doit faire un choix entre les deux: «Mon père voulait vraiment que je me lance dans le foot, mais j’ai toujours voulu faire de la danse. Ça me tenait plus à cœur.» Après son premier battle à Montreux Jazz, Cédric Jorge Borges enchaîne les concours en Suisse… Et les gagne tous au moins une fois! En 2017, accompagné de son binôme Diablo, il décroche le prix du festival international de danses hip-hop «Fusion concept». Une année plus tard, il remporte le KOD (Championnats du monde de hip-hop en équipe) avec l’équipe de France. De nouveau en binôme, il gagne finalement en 2019, après trois tentatives, la plus grande compétition internationale de hip-hop «Juste Debout». Pas de quoi prendre la grosse tête pour un champion du monde qui reste humble. «Je m’entraîne quand j’en ressens le besoin, “au feelingˮ», explique-t-il avec le sourire.

La danse comme thérapie

«J’ai commencé à danser en solo, mais je préfère le binôme», indique Cédric Jorge Borges, avant d’enchaîner: «Si tu danses seul, personne ne peut te rattraper, alors qu’à deux, il y a du partage, de l’amitié aussi.» Se promettant qu’ils danseraient ensemble jusqu’à la mort, les deux amis profitent aujourd’hui de chaque occasion pour se voir. Pas simple, puisque depuis environ quatre ans, Cédric Jorge Borges voyage presque tous les week-ends aux quatre coins du monde pour animer des ateliers. Les yeux brillants, il raconte: «La communication, le fait de découvrir d’autres visions de la danse ou encore le partage de mon savoir, toutes ces raisons me font aimer toujours un peu plus l’enseignement. C’est incroyable de réaliser qu’on n’a pas besoin de parler la même langue pour se comprendre.» Il ajoute que le mal du pays se fait, malgré tout, vite ressentir: «Des fois, c’est dur de rater des événements familiaux, parce que je suis tout le temps à droite et à gauche. Quand je reviens, j’aime bien capter (voir, ndlr) mes potes ou ma copine. Je monte aussi sur les hauts de Vevey pour admirer la vue sur le lac et ça me fait du bien.» Récemment, le danseur s’est vu censurer sa chorégraphie «Tout va bien», une démonstration traitant du racisme qu’il devait présenter au World of Dance. Scandalisé, le jeune homme a publié lui-même la vidéo sur son compte YouTube et s’est également vu proposer un court métrage de cette chorégraphie par la maison de production Kubiq. Pour continuer sur la même vague, il a aussi écrit, avec un de ses amis, un autre synopsis sur la thématique. Le danseur explique: «Comme je suis une personne réservée, la danse me permet de m’exprimer, à ma manière. D’un côté, c’est une forme d’héritage vis-à-vis de mon grand frère, c’est comme si je vivais à travers lui quand je danse. De l’autre côté, c’est une véritable thérapie.»

Douce folie

Devenir l’égérie d’une marque. Une réponse qui fuse lorsqu’on demande au champion de décrire son plus grand rêve. Modèle pour Issey Miyake lors d’une précédente fashion week, Cédric Jorge Borges aspire à poser un jour pour des marques telles que Nike ou Louis Vuitton. «J’ai adoré défiler lors de la fashion week. L’ambiance, la qualité comme la renommée des vêtements, tout ça m’a beaucoup plu», note-t-il. Sur scène au centre culturel l’Arsenic à Lausanne en début d’année, le passionné de mode a depuis pris goût au monde du théâtre et souhaite monter prochainement un spectacle avec son binôme Diablo. Avec des modèles tel Story Board Pi, le jeune homme confie qu’il s’inspire avant tout de ses proches, notamment de son père, un célèbre chanteur au Cap-Vert. La mode, la danse mais aussi la musique et le football. Tant de domaines dans lesquels Cédric Jorge Borges s’épanouit et se ressource. Un besoin pour le jeune homme qui, l’année passée, a perdu sa mère d’un cancer: «La chose qui m’effrayait le plus au monde était que ma mère meurt. Maintenant que c’est arrivé, plus rien ne m’effraie vraiment.» Grave, puis enjoué la phrase d’après, il compare sa personnalité à une douce folie: «Je peux être posé dans mon coin et la minute suivante faire le fou.» A la fois ange et démon, Cédric Jorge Borges n’en garde pas moins les pieds sur terre. Les yeux rivés sur son paradis.