«Zones d’ombres sur les chantiers publics», Temps présent, jeudi 19 mars à 20h10 sur RTS1, rediffusions le 20 mars à 13h35 et le 25 mars à 12h25 sur RTS2.
«C’est comme si nous revenions au XVIIIe siècle»
Un reportage de «Temps présent» aborde deux gros cas de dumping et de racket d’ouvriers sur des chantiers publics dénoncés par Unia
Le magazine Temps présent de la RTS braque ses caméras sur le dumping dans les chantiers publics. Diffusé ce 19 mars, un reportage de Françoise Weilhammer, «Zones d’ombres sur les chantiers publics», reviendra sur deux cas emblématiques. A Genève d’abord avec le chantier du nouveau dépôt des Transports publics genevois (TPG) d’En Chardon, qui avait défrayé la chronique au printemps 2019 lorsque Unia avait dénoncé un grave cas de sous-enchère salariale et de racket d’électriciens. Engagés dans le sud de l’Italie, ces travailleurs étaient victimes de ponctions sur leurs comptes bancaires, ouverts dans leur pays pour l’occasion. «Je savais qu’il y aurait des prélèvements, mais si je ne l’avais pas accepté, je n’aurais pas été engagé», raconte dans le documentaire un électro, qui avance le chiffre de 1000 à 1500 euros soustraits chaque mois. X, une société lombarde représentée en Suisse par une succursale domiciliée dans le canton de Vaud, avait obtenu le mandat pour l’électricité du dépôt en proposant un prix anormalement bas. «Il est important si on veut bien gérer les deniers publics de mettre l’accent sur le prix et d’en faire le critère principal», se justifie le directeur des TPG, Denis Berdoz. «Une simple règle de trois montre que l’entreprise ne pouvait pas respecter les conditions de travail», critique le secrétaire de la Fédération genevoise du bâtiment, Nicolas Rufener. Au final, il a fallu réattribuer le mandat pour l’électricité, l’inauguration du dépôt des trams et des bus a été repoussée de plusieurs mois et la facture du chantier s’est alourdie de 10 millions de francs.
Le reportage nous emmène ensuite au Tessin, au tunnel de base du Monte Ceneri, le dernier maillon de la Nouvelle ligne ferroviaire à travers les Alpes. Là aussi, une société italienne, GCF, a décroché un gros contrat, celui de l’équipement ferroviaire, grâce à une offre très avantageuse. Employé durant plus d’une année, Fouad, un machiniste, témoigne: «Nous étions obligés de travailler entre 12 et 16 heures par jour, mais sur notre feuille de paie, il était toujours inscrit 8 heures. On était traités comme des esclaves. A l’intérieur de la société s’était établi un climat de silence, on ne pouvait pas se défendre, cela créait un sentiment d’injustice profonde.» Ici encore, des retenues salariales étaient prévues. Quelque 20400 euros pour une année de travail, assure Fouad, qui a refusé et s’est tourné avec d’autres vers le syndicat. «C’est une remise en question des droits fondamentaux des travailleurs, c’est comme si nous revenions au XVIIIe siècle», analyse Igor Cima. Ce secrétaire syndical d’Unia Tessin chiffre à au moins 3 millions les arriérés de salaires dus au personnel, soit 40000 à 45000 francs par travailleur. L’avocat de GCF conteste et a son explication concernant ces prélèvements: «Ils sont effectués pour payer l’impôt à la source»… La justice tranchera. En attendant, signalons que GCF s’est déjà fait pincer pour des faits similaires au Danemark. En guise de conclusion, le doc nous rappelle que GCF a été mandaté par les Transports publics de la région lausannoise pour poser cette année les rails dans le nouveau tunnel du LEB… Il y aura peut-être aussi du boulot pour Unia Vaud.
Si «Zones d’ombres sur les chantiers publics» a le mérite de mettre en lumière un important problème social, il n’évoque pas vraiment les solutions possibles pour éviter ces dérives. Les téléspectateurs avertis pourront toutefois en déduire que ce n’est pas le moment de renoncer ou d’affaiblir les mesures d’accompagnement, ni le 17 mai à l’occasion de la votation sur l’initiative de limitation, ni plus tard lors de la conclusion de l’accord institutionnel avec l’UE.