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Carton jaune pour les patrons du second oeuvre romand

Réunis en assemblée les travailleurs ont exigé une hausse de leur salaire de 120 francs pour 2018

La Convention collective de travail (CCT) du second œuvre romand règle les conditions de travail et d'embauche de plusieurs branches de l'artisanat, principalement celles des métiers du bois et de la plâtrerie-peinture. Dans certains cantons, elle couvre également des branches aussi diverses que l'étanchéité et l'asphaltage, le carrelage, les revêtements de sol, la vitrerie ou les métiers de la pierre. Syndicats et organisations patronales négocient depuis une année et demie le renouvellement, pour une période de cinq ans, du texte qui concerne quelque 25000 travailleurs.

Les travailleurs du second œuvre romand veulent une augmentation de 120 francs dès 2018. Réunis à Morges samedi dernier, les délégués de la branche affiliés aux syndicats Unia et Syna ont discuté de leurs revendications dans le cadre des négociations pour le renouvellement de leur Convention collective de travail (CCT). Rappelant que leurs salaires n'ont été revalorisés qu'une seule fois durant les cinq dernières années, ils ont averti les employeurs en brandissant un carton jaune.
L'automne dernier, les employeurs avaient dénoncé la CCT. Quelque 25000 salariés romands, actifs principalement dans les métiers de la plâtrerie-peinture et du bois, risquaient de ne plus être couverts par la CCT dès le 1er janvier 2017. Une journée de mobilisation en novembre avait cependant permis de faire reculer les patrons et d'obtenir dans la foulée une augmentation des salaires minimaux et des frais de repas. «Cette lutte a payé et on peut être fier de cela», a déclaré Aldo Ferrari, vice-président d'Unia et responsable de la branche des arts et métiers, devant les participants du Comité romand d'action du second œuvre.
Les négociations pour le renouvellement de la CCT ont repris au printemps dernier. Chef de la délégation syndicale, Aldo Ferrari en a tiré un bilan intermédiaire. La partie syndicale a déjà obtenu entre autres la reconnaissance des diplômes et de l'expérience acquis à l'étranger, «ce qui est important pour lutter contre le dumping salarial», la consolidation de la retraite anticipée pour faire face à la hausse des bénéficiaires, ainsi que le retrait de plusieurs demandes patronales telles que la réduction du délai de résiliation ou la participation des salariés à l'assurance perte de gain. D'autres revendications syndicales sont sur une «bonne voie»: «Les patrons sont d'accord de limiter le nombre d'employés non qualifiés et ont dit ne pas être contre une limitation des temporaires.»

Priorité aux revendications salariales
Reste «le plus compliqué à négocier», soit l'augmentation des salaires réels et des salaires minimaux, la participation aux primes maladie, ainsi que la question des frais de repas. Le responsable syndical a insisté sur le «grand enjeu» que constituent les salaires minimaux: «En raison des nombreux départs à la retraite de ces prochaines années, ceux qui les remplaceront seront souvent au salaire minimum. C'est un virage que nous ne pouvons pas rater.» Après cette présentation, les délégués ont discuté des revendications salariales. «Nous en avons besoin au 1er janvier, c'est notre priorité», a résumé Aldo Ferrari. La Fédération romande des entreprises de charpenterie, d'ébénisterie et menuiserie et la Fédération romande des entreprises de plâtrerie-peinture, les deux principales organisations patronales signataires de la CCT, n'ont en effet accordé qu'une augmentation des salaires en cinq ans, alors que les carnets de commandes débordent et que la pression s'accroît sur les salariés en raison de la masse de travail à effectuer. «Nos salaires, on les gagne à la sueur de notre front, on y laisse notre santé», a souligné un ouvrier genevois. Les participants se sont entendus sur le montant de 120 francs à revendiquer.

Action à Tolochenaz
A l'issue de leur réunion, les travailleurs se sont rassemblés à Tolochenaz devant l'Ecole de la construction liée à la Fédération vaudoise des entrepreneurs. «C'est ici qu'on forme les futurs ouvriers. Il ne peut y avoir de bons ouvriers sans bons salaires», a lancé Aldo Ferrari. Les délégués ont brandi un carton jaune aux patrons et, pour montrer leur unité et leur détermination à obtenir ces 120 francs, formé de leurs corps un «120» géant. Les négociations reprendront le 11 septembre. «La mobilisation ne fait que commencer», a conclu Aldo Ferrari.

Textes : Jérôme Béguin


Témoignages

Olivier
«Il y a plus de pression que lorsque j'ai commencé il y a 27 ans», explique Olivier, menuisier-charpentier de son état. «Avant, on était toujours au moins deux ouvriers qualifiés sur un chantier. Maintenant, je me retrouve seul à poser les fenêtres de tout un immeuble. Même discuter cinq minutes avec des copains d'autres corps de métier devient difficile», regrette le Jurassien. «Vis-à-vis de notre rendement, il y a une nette baisse de nos salaires. Pour moi, 120 francs, c'est donc obligatoire, il faut que les patrons arrêtent de pleurnicher.»

Guillaume
«Si on demande plus à l'ouvrier, c'est normal qu'il reçoive plus, ce n'est qu'un rééquilibrage, une redistribution des fruits du travail. L'ouvrier comme le patron a le droit de gagner plus et de bénéficier de la hausse de la productivité», juge Guillaume, jeune charpentier. Surtout que, comme le relève le Vaudois, par ailleurs président de la section de Lausanne d'Unia, le coût de la vie augmente, les prix des loyers et des primes maladie s'envolent. «C'est aussi pour garder une qualité de travail dans chaque métier. Les ouvriers sont fiers de ce qu'ils font et il s'agit finalement d'un respect du travail et des travailleurs.»

Patrick
«Ils ont largement les moyens, mais ils ne lâcheront pas ces 120 francs, on est dans des négociations difficiles», pense Patrick, tapissier-décorateur à Genève. Pas question pour autant de baisser les bras: «Dans toute négociation et tout combat, il y a toujours de l'espoir et on obtient toujours quelque chose. Si on se lance dans un combat syndical, il ne faut pas avoir peur d'aller jusqu'au bout. Et si on est tous unis, on a plus de force. Plus on sera divisé, plus le patronat sera heureux.»