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2% ou 100 francs de plus par mois!

Un caddie avec un billet de 100 francs à l'intérieur.
© Thierry Porchet

L’Union syndicale suisse et ses fédérations appellent à la hausse des salaires pour 2022. Les travailleurs ont fourni des efforts importants et doivent profiter de la conjoncture économique favorable. Les syndicats veulent aussi combler les écarts salariaux entre femmes et hommes qui perdurent et se creusent à nouveau

Des augmentations des rémunérations de l’ordre de 2% ou de 100 francs par mois: ce sont les revendications salariales pour 2022 que l’Union syndicale suisse (USS) a présentées la semaine dernière au cours d’une conférence de presse. Depuis le printemps et le déconfinement, l’économie mondiale et suisse ont en effet recouvré des couleurs. «La marche des affaires a retrouvé son niveau d’avant la crise dans la grande majorité des branches d’activité et les entreprises ont renoué avec les bénéfices. Seuls l’hôtellerie-restauration, le transport aérien et une partie du secteur culturel restent en difficulté», explique Daniel Lampart, économiste et premier secrétaire de l’USS. «Le Secrétariat d’Etat à l’économie prévoit une croissance du PIB de 3,6% en 2021, ce qui est supérieur à la moyenne, il dépassera les niveaux d'avant la crise au second semestre. Le chômage partiel et le chômage diminueront en parallèle», souligne la présidente d’Unia, Vania Alleva. Et les perspectives pour 2022 sont également bonnes. Comme le dit l’adage, quand le bâtiment va, tout va: «Les enquêtes conjoncturelles publiées par la Société suisse des entrepreneurs à la fin du mois d'août montrent clairement que non seulement les chiffres d'affaires dans le bâtiment et le génie civil sont en hausse de 1,7% par rapport au trimestre précédent, mais aussi que les carnets de commandes sont pleins à craquer et que le nombre de nouvelles demandes de permis de construire atteint un niveau record», remarque Vania Alleva.

Des revalorisations salariales sont non seulement possibles, mais elles sont aussi rendues nécessaires par le retour de l’inflation. «En août, l’indice suisse des prix à la consommation a progressé de 0,9% par rapport à l’année précédente. Et il faut aussi s’attendre, durant les mois à venir, à un renchérissement de l’ordre de 1%, peut-être même davantage. Dans la plupart des pays développés, l’inflation atteindra des sommets, ce qui risque d’affecter la Suisse, notamment avec des hausses de prix à l’importation», indique Daniel Lampart. Pour compenser la baisse du pouvoir d’achat, les syndicats de l’USS revendiquent des augmentations salariales de 1% correspondant au renchérissement durant les mois de négociations.

Et ils y ajoutent 1% supplémentaire lié à la croissance de la productivité du travail. «Il y avait déjà un retard salarial avant la crise: les salaires réels n’ont pas augmenté pendant la phase de reprise de 2017-2018, alors même que les bénéfices et la productivité du travail étaient en hausse», souligne le premier secrétaire de l’USS.

A ce décrochage de la productivité sur les salaires est venue se greffer, il y a un an et demi, cette crise sans précédent. «Au plus fort des fermetures, jusqu’à un million et demi de personnes étaient au chômage partiel, presque toujours avec la perte de salaire qui va avec. Cette situation s’est prolongée pour des centaines de milliers d’employés», rappelle Pierre-Yves Maillard, le président de l’USS.

D’autres salariés n’ont pas subi de pertes de revenu, mais ont travaillé dans des conditions très difficiles. «Le monde du travail a fourni des efforts considérables, il a été au front, mais n’a pour le moment, à quelques rares exceptions près, pas encore vu la couleur de la moindre reconnaissance salariale pour ces efforts.» Responsable du secteur santé du Syndicat des services publics, Beatriz Rosende confirme: «Avec les applaudissements, d’énormes espoirs ont circulé dans les couloirs, qu’il y aurait une prise de conscience pour améliorer les conditions de travail de celles et ceux qui ont affronté les premières vagues. Résultat: rien, les grilles salariales n’ont pas bougé. Les primes Covid, lorsqu’elles existent, ne compensent en rien l’engagement exceptionnel qui s’est étalé sur de longs mois et qui se poursuit encore.»

Restaurer la confiance

Pierre-Yves Maillard appelle à «restaurer la confiance» du monde du travail: «Les travailleurs et les travailleuses ont besoin de perspectives plus favorables pour le pouvoir d’achat. Nous demandons donc une hausse importante des salaires cette année, en particulier pour les bas salaires et les femmes.» Daniel Lampart ajoute: «Ces dernières années, les salaires minimums des CCT sont restés à la traîne des salaires effectifs. En moyenne, leur croissance a été inférieure de 0,2% par an entre 2010 et 2020.» L’USS exige que ces salaires passent tous au plus vite au-dessus de la barre des 4000 francs par mois. Surtout que, comme le fait remarquer l’économiste, «plus l’écart se creuse entre les salaires minimums et les salaires effectifs, moins la protection contre la sous-enchère s’avère efficace».

Les syndicats veulent aussi combler le retard salarial des femmes. «En ce moment, au lieu de diminuer, l'écart se creuse de nouveau, dénonce Vania Alleva. Selon les dernières données, les femmes dans le secteur privé gagnent en moyenne 19,6% de moins que les hommes. C'est injuste: rien ne justifie que le travail des femmes ait moins de valeur que celui des hommes. Il faut donc des mesures plus nombreuses et surtout plus cohérentes. Unia exige, d'une part, des mesures salariales spécifiques pour les femmes dans les négociations salariales et, d'autre part, une extension de l'analyse de l'égalité salariale ancrée dans la loi à toutes les entreprises. L'égalité doit être mise en œuvre dans toutes les sociétés et pas seulement dans celles de plus de cent employés.»

Conférence de presse de l'USS.
Vania Alleva, présidente d’Unia, Daniel Lampart et Pierre-Yves Maillard de l’Union syndicale suisse, et Beatriz Rosende du SSP, ont présenté le 7 septembre à Berne les revendications salariales des syndicats pour les négociations de cet automne. Outre une hausse générale, non seulement possible mais nécessaire face au retour de l’inflation, ils exigent également la reconnaissance du travail effectué en première ligne contre le coronavirus et le comblement de l’inégalité salariale qui se creuse à nouveau. © Keystone/Anthony Anex

 

Construction, second œuvre, vente, sécurité, coiffure…

Vania Alleva a profité de cette conférence de presse pour présenter les objectifs de négociation dans plusieurs branches où Unia est actif. Dans la construction d’abord, où, comme nous l’avons dit, les carnets de commandes sont pleins, la présidente a rappelé que «ce sont les travailleurs qui ont rendu cette croissance possible grâce à leur dur labeur quotidien sur les chantiers. L'année dernière, ils ont dû renoncer à toute augmentation générale des salaires. Les travailleurs de la construction méritent donc une augmentation cette année et c'est aussi clairement possible d'un point de vue économique.» Les syndicats demandent 100 francs par mois, mais le 6 septembre, les représentants de la Société suisse des entrepreneurs ont rejeté cette revendication. «Les hausses de salaires sur tout le territoire, très coûteuses, doivent appartenir au passé. Ce sont désormais les performances des collaborateurs et de leurs équipes qui doivent être récompensées financièrement», s’est expliquée la faîtière patronale dans un communiqué. Les syndicats Unia et Syna ont, de leur côté, qualifié cette position d’«absolument incompréhensible et irrespectueuse envers les travailleurs. Elle nuit à l’économie de la construction et à l’avenir de la branche: aujourd’hui une grave pénurie de personnel qualifié guette.» Les négociations dans le secteur principal de la construction reprendront le 1er octobre.

Dans le second œuvre, les perspectives sont aussi excellentes, mais «les conséquences du fort volume de travail sont moins positives pour les employés: les heures supplémentaires et le stress augmentent. Les salaires, quant à eux, n'ont pas suivi l'évolution de la branche. Il y a un grand besoin de rattrapage», apprécie Vania Alleva. Unia veut une augmentation générale de 2% des salaires réels et une hausse des salaires minimums les plus bas au-dessus de 4000 francs.

Même revendication dans le commerce de détail, qui «dans son ensemble se porte bien», note la responsable syndicale. «Ce succès n'est pas le fruit du hasard, les employés l'ont rendu possible. La productivité du travail a augmenté plus que jamais au cours des cinq dernières années, maintenant cela doit être au tour des salariés d’en bénéficier.»

Dans la sécurité, la syndicaliste constate que les rémunérations ne suivent pas la croissance de la branche. Unia espère obtenir 100 francs pour tous les employés.

Enfin, dans la coiffure, Vania Alleva annonce qu’Unia réclamera, dans le cadre des négociations pour le renouvellement de la CCT, l’institution d’un treizième salaire.

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