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Valais: un service étatique accusé de bafouer des droits fondamentaux

Conférence de presse d'Unia.
© Olivier Vogelsang

Les représentants d’Unia et l’avocat mandaté par le syndicat, Me Marc Spescha ont tiré à boulets rouges sur le Service de la population et des migrations du canton du Valais.

Unia dénonce de graves dysfonctionnements au sein du Service de la population et des migrations de l’Etat du Valais, l’accusant de violer régulièrement l’accord sur la libre circulation des personnes et la Loi sur les étrangers

«Le Service de la population et des migrations (SPM) valaisan dysfonctionne de manière alarmante.» Blaise Carron, secrétaire régional d’Unia Valais et son collègue, Martin Dremelj, responsable pour le Haut-Valais ont vertement critiqué le SPM, accusé de violations régulières de l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP), de la Loi sur les étrangers et l’intégration (LEI) et de mépris de la jurisprudence, notamment du Tribunal fédéral. Lors d’une conférence de presse organisée le 30 janvier à Sierre, ils ont dénoncé des droits des étrangers concernés «systématiquement niés» et le fait qu’ils soient souvent poussés à fournir des informations et des documents sans fondement juridique. La durée des procédures, trop longue, figurait encore au cœur des doléances. Un problème qui aurait également été soulevé par des communes et des employeurs. De son côté, Marilia Mendes, secrétaire spécialisée dans les questions de migration à Unia, a détaillé les conséquences de cette pratique sur les personnes touchées et leurs proches. Faute d’un permis en raison de délais excessifs ou de décisions erronées, elle a précisé qu’il ne leur était par exemple pas possible ou très difficile de louer un appartement, d’acheter une voiture, d’ouvrir un compte bancaire et encore plus de décrocher un emploi et de travailler de manière réglementaire. Les travailleurs saisonniers risquent en outre de se voir refuser les indemnités chômage.

Déstabilisation et confiance sapée

«Faire traîner les procédures a un impact direct sur la vie quotidienne et la liberté des personnes affectées, sans oublier l’aspect financier. Cette réalité épuisante déstabilise les migrants et sape leur confiance envers les autorités», a déploré la collaboratrice d’Unia, fustigeant encore les situations où des permis, pour lesquels des frais ont été payés, soient déjà échus ou sur le point de l’être à leur réception. Pour étayer leurs dires, les représentants d’Unia ont donné la parole à Me Marc Spescha, avocat et professeur titulaire de droit à la migration depuis plus d’une vingtaine d’années. Celui-ci, régulièrement mandaté par le syndicat pour traiter des affaires en lien avec la problématique en Valais, a estimé que les pratiques administratives des autorités du canton vont «au-delà du droit et de l’ordre» et noté de «graves manquements» au SPM. L’homme de loi zurichois a illustré ses propos via des cas documentés, rapportant dans la foulée la teneur de plusieurs échanges de courriels y relatifs s’étalant sur de nombreux mois. Il a qualifié les démarches de «chronophages et harassantes» et insisté sur la «mentalité obtuse, le formalisme exagéré de l’office, l’attitude récalcitrante d’autorités». Me Marc Spescha a pointé du doigt des retards substantiels dans les procédures et un non-respect de dispositions légales et d’obligations découlant de l’accord sur la libre circulation des personnes. Avec pour conséquences des préjudices intolérables pour les personnes concernées et un «gaspillage de l’argent des contribuables». Dans ce contexte, l’avocat a estimé qu’une «formation continue du personnel habilité à prendre des décisions est une nécessité absolue».

Appel d’Unia

«Nous demandons au SPM de prendre des mesures. Les employeurs trouvent eux aussi que les délais sont interminables alors qu’il y a un besoin urgent et immédiat de main-d’œuvre qualifiée», a ajouté Blaise Carron. Pour le secrétaire syndical, la décision du service de fermer des guichets prise l’automne dernier, «afin de traiter le nombre effarant de dossiers en suspens», n’est pas suffisante. Une vingtaine de cas présentant différentes problématiques occuperaient Unia Valais. «Nous préférerions pouvoir nous concentrer uniquement sur l’amélioration des conditions de travail plutôt que de s’assurer que le droit soit respecté. Mais c’est un minimum que nous devons aux migrants formant une grande partie de nos membres.»

«2000 demandes par semaine»

Cheffe du Service de la population et des migrations (SPM), Sandra Tiano réfute les allégations portant sur le non-respect de dispositions légales. «Je ne peux pas laisser dire cela. Nous appliquons le droit en vigueur. Mon équipe agit en toute connaissance des lois et est expérimentée.» Le terme de «dysfonctionnement» utilisé par le syndicat est jugé «disproportionné» par la responsable. «Je ne connais pas les cas qui ont été exposés... Mais il faut savoir que nous recevons quelque 100000 demandes par an, 2000 par semaine en tenant compte de toutes les requêtes, du changement d’adresse à la demande d’un permis.» Dans ce contexte, la responsable note encore qu’exiger des documents sans base juridique comme Unia en fait le reproche n’est pas dans l’intérêt du service. «Nous agissons au plus vite et au plus simple. Nous devons toutefois vérifier que les conditions soient remplies pour la délivrance d’autorisations de séjour.» La lenteur des procédures dépend, selon elle, de la complexité des dossiers. «Le traitement d’affaires standard prend en moyenne deux à trois mois au maximum. Celles plus compliquées impliquant par exemple des ressortissants d’Etats tiers peuvent nécessiter davantage de temps, notamment quand il manque des documents. Quoi qu’il en soit, nous avons la volonté de faire au plus vite sans négliger la qualité.» Sandra Tiano reconnaît néanmoins le potentiel d’amélioration du SPM – comptant 18 employés à plein temps pour le secteur concerné – et affirme œuvrer dans ce sens. Et de conclure: «Nous ne faisons évidemment pas traîner sciemment les dossiers. L’intégration des étrangers fait également partie de mon service. J’aurais apprécié qu’Unia me contacte au préalable pour discuter des cas présentés. Il est important que nous tirions à la même corde. Et je suis ouverte à travailler main dans la main.»

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