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Une lutte de principe

Portrait d'Anni Lanz.
© Neil Labrador

Anni Lanz, une femme engagée de longue date en faveur des migrants.

Anni Lanz, militante bâloise ayant secouru un jeune réfugié débouté, n’a pas été acquittée par le Tribunal cantonal de Sion. Un recours est possible

Peine maintenue… Le Tribunal cantonal valaisan a refusé de faire un pas vers la reconnaissance d’un acte d’humanité. La semaine passée, il devait statuer sur le recours déposé par Anni Lanz, ancienne secrétaire générale de Solidarité sans frontières (Sosf). Cette femme de 73 ans avait été condamnée en première instance à une amende de 800 francs plus 1400 francs de frais de justice pour avoir aidé un jeune réfugié débouté à revenir en Suisse.  

Anni Lanz avait rencontré ce jeune Afghan d’une vingtaine d’années dans un centre de détention à Bâle, canton où elle réside. Il y avait été placé en vue de son renvoi. Malgré les certificats médicaux attestant de sa fragilité psychologique – le jeune homme avait fait plusieurs tentatives de suicide après avoir appris la mort de sa femme et de son enfant en Afghanistan – il avait été expulsé, fin février 2018, vers l’Italie, selon le réglement Dublin. Sachant qu’il se trouvait dans une situation désespérée, obligé de dormir dehors par des températures de moins 10 degrés, le Centre pour demandeurs d’asile enregistrés de Milan ne pouvant l’accueillir, Anni Lanz s’est rendue à Domodossola pour lui venir en aide et le ramener en Suisse où sa sœur est établie. Au retour, ils ont été interceptés par les gardes-frontières à Gondo, sur la route du Simplon. La police a arrêté Anni Lanz et l’a sanctionnée pour avoir «facilité l’entrée illégale d’un étranger en Suisse», selon l’article 116 de la Loi sur les étrangers. Le jeune requérant a été renvoyé à Domodossola.

Assistance à personne en danger

Estimant avoir fait son devoir d’assistance à personne en danger, Anni Lanz a recouru contre sa condamnation. Mercredi 21 août, elle s’est présentée devant les juges du Tribunal cantonal à Sion. Une centaine de personnes s’étaient rassemblées dans la salle d’audience pour la soutenir, après avoir auparavant manifesté aux portes du tribunal. Solidarité sans frontières et Amnesty International s’étaient associés pour dénoncer la criminalisation de la solidarité.

La réquisition du procureur a duré près de 2 heures, puis le jugement a été rendu. Anni Lanz n’a pas été acquittée et sa condamnation confirmée. «Le procureur avait demandé une peine plus élevée, mais le juge n’est pas entré en matière. Ce qui est déjà une bonne chose, mais nous espérons toujours son acquittement», relève Amanda Ioset, secrétaire générale de Sosf, qui a assisté au réquisitoire. Elle informe qu’une fois le jugement motivé disponible, Anni Lanz décidera d’un éventuel recours au Tribunal fédéral. «Pour Anni, il s’agit d’une lutte de principe. Souvent, les personnes paient l’amende plutôt que de la contester, car elles sont encore abordables», fait remarquer Amanda Ioset, qui se bat avec Sosf pour modifier l’article 116 de la Loi sur les étrangers, ce dernier criminalisant l’aide apportée à des réfugiés ou des étrangers sans papier. «C’est un article datant des années Blocher. Mais à contrario, il existe aussi d’autres dispositions, comme l’article 52 du Code pénal, qui permet de renoncer à poursuivre l’auteur d’un acte si la conséquence de celui-ci n’est pas importante. Il y a aussi les conventions sur les droits de l’homme. Le Tribunal aurait pu s’appuyer sur ces règles pour décider d’acquitter Anni Lanz.»

«C’est bien, mais…»

Revenant sur l’audience, la secrétaire générale de Sosf s’énerve: «On reproche principalement à Anni Lanz de ne pas avoir suffisamment cherché à porter secours au jeune Afghan sur place, qu’elle n’aurait pas fait assez de téléphones à des associations ou trouvé d’autres moyens pour l’aider. Or Anni n’est pas une assistante sociale en Italie! Elle n’est pas non plus médecin et n’est pas responsable d’un système défaillant là-bas. Elle a seulement considéré l’urgence que ce jeune exilé rejoigne sa sœur. Ce n’est pas elle qui devrait être sur le banc des accusés, mais le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et les autorités cantonales bâloises qui ont décidé du renvoi!»

Amanda Ioset se dit aussi surprise de l’insistance du procureur, alors qu’il ne connaît rien de la réalité du terrain. Et d’ajouter: «Autant le procureur que le juge ont répété plusieurs fois que c’était admirable de s’engager pour les autres, tout en accompagnant leurs dires d’un grand “mais”. Et au final, ils ont interprété la loi à la lettre…»

La récolte de signatures sur la pétition continue

Alors que d’autres personnes sont aussi dans le collimateur de la justice pour avoir aidé des personnes en détresse, Sosf poursuit sa campagne de signatures sur sa pétition, lancée en début d’année, exigeant une modification de l’article 116 de la Loi sur les étrangers. Cette pétition a depuis reçu le soutien d’Amnesty International. Elle a déjà recueilli plus de 10000 signatures et devrait être remise au Parlement fédéral vers la mi-novembre. Le texte s’adresse aux élus pour qu’ils appuient l’initiative parlementaire 18.461, intitulée «En finir avec le délit de solidarité», déposée par la conseillère nationale verte Lisa Mazzone. L’objet sera traité au plus tôt en début d’année prochaine.

En juin dernier, à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, 116 avocats de toute la Suisse ont aussi apporté leur soutien à la pétition. Ils s’adressent également au pouvoir judiciaire pour qu’il renonce à poursuivre et à condamner des actes de solidarité.

La pétition «La solidarité n’est pas un crime» peut être signée ici.

Ou sur le site d’Amnesty International.

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