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Une guerre par procuration

On n’en sortira pas. Une fois de plus, comme dans toute la presse depuis le 14 février, Christian Dussey, directeur du renseignement de la Confédération oublie que les Américains sont en guerre en Europe par procuration. Il répète qu’il n’y a plus eu de guerre sur le continent européen depuis la fin de la dernière Guerre mondiale.

Or, une guerre terrible a ensanglanté la Yougoslavie de 1991 à 2001. De plus, le 24 mars 1999, les Américains, au nom de l’OTAN, sans décision de l’ONU, ont bombardé la Serbie et en particulier Belgrade, faisant des centaines de milliers de morts. Ils ont détaché le Kosovo (pas le Donbass) de la Serbie qui ne voulait pas s’abriter sous les ailes belliqueuses de l’Oncle Sam. De Gaulle, un Européen qui tenait à la souveraineté de son pays, avait fait de même.

Tout le monde ferme les yeux sur les responsabilités terribles des Américains dans la guerre Russie - Ukraine qui fait rage presque à nos frontières. Les influences culturelles, économiques et militaires poussent les médias à ignorer les agissements de la superpuissance américaine. Elle appelle cela une «proxy war» qui conduit les Etats européens, et maintenant en particulier l’Ukraine, à défendre des intérêts qui ne sont pas les leurs. Les USA engagent 40 milliards de dollars dans ce conflit.

Pour illustrer cette réalité, je rappelle ici le cynisme du colonel Richard Black, ancien délégué auprès de l’OTAN, représentant de l’Etat de Virginie, interviewé par Mike Billington: «Je ne crois pas que l’Ukraine ait quoi que ce soit à faire avec la décision de guerre ou de paix. Je pense que la décision est prise à Washington. Aussi longtemps que nous souhaitons que cette guerre continue, nous supporterons cette guerre, utilisant les Ukrainiens comme intermédiaires, et nous la mènerons jusqu’à la vie du dernier Ukrainien.»

Beaucoup de personnalités américaines, sans être aussi cyniques, disent la même vérité: le professeur Mearsheimer de l’Université de Chicago souligne la politique de provocation délibérée des Etats-Unis depuis la fin de la guerre froide. Christopher Caldwell, éditorialiste du New York Times: «La guerre en Ukraine pourrait être impossible à arrêter. Et les Etats-Unis sont les principaux à blâmer.» L’ancien conseiller du président Carter, Brzezinski a expliqué cette politique, il y a déjà vingt ans, dans son livre Le grand échiquier. Toutes ces pressions, cette guerre larvée, personne n’ose la dénoncer. Pourquoi?

Fera-t-on un jour le décompte des guerres menées au Vietnam, au Chili, en Afghanistan, en Iran, à Cuba, au Venezuela (blocus), en Irak, en Syrie, en Serbie – souvent au nom de l’OTAN – au profit des oligarques états-uniens sous prétexte d’établir la démocratie, et souvent en collaboration avec des dictateurs? Fera-t-on le compte des souffrances, des morts, des estropiés, des destructions comme en Ukraine? Cette superpuissance est une véritable malédiction pour l’humanité des XXe et XXIe siècles.

Pierre Aguet