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Une grande victoire pour les travailleurs les plus précaires

Campagne d'Unia en faveur du salaire minimum à Genève.
© Olivier Vogelsang

Unia s’est largement impliqué dans la campagne en faveur d’un salaire minimum à Genève. Une démarche payante, 58% des électeurs ayant voté pour cette mesure.

Le 27 septembre, les Genevois ont plébiscité le salaire minimum à 23 francs l’heure. Une mesure dont se félicite Unia, qui demande qu’elle entre immédiatement en vigueur

En pleine crise sanitaire et économique liée au Covid-19, le sort de l’initiative sur le salaire minimum au bout du lac était plus qu’incertain. Au final, les efforts des syndicats durant cette campagne inédite auront payé. Les 58% des électeurs ont voté pour cette mesure, avec un taux de participation de 54%. «Nous sommes extrêmement satisfaits, tant du résultat que de l’ampleur de ce vote, qui donne une légitimité aux revendications syndicales que nous portons, réagit Alejo Patiño, secrétaire syndical à Unia. C’est une grande victoire pour les travailleurs les plus précaires de ce canton, et notamment pour les femmes, qui représentent 20000 des 30000 bénéficiaires potentiels.»

Pour rappel, ce salaire de 23 francs l’heure, ou de 4186 francs mensuels brut pour une durée de travail hebdomadaire de 42h, viendra mettre du beurre dans les épinards des employés de la coiffure (+914 francs), des déménageurs (+864 francs), de l’économie domestique (+639 francs), de la blanchisserie (+619 francs), de l’hôtellerie-restauration (+427 francs), du travail temporaire (+340 francs), du nettoyage (+253 francs) et du commerce de détail (+179 francs). Toute une série de branches souvent très féminisées où les rémunérations sont très basses. Unia insiste sur le fait que 54% des personnes concernées par cette mesure sont couvertes par une CCT… «Cet argent va être réinvesti directement dans l’économie et il est fort probable que la consommation de ces travailleurs soit redirigée localement», se réjouit le syndicaliste.

Les raisons de la victoire

Et Alejo Patiño d’analyser cette victoire historique. «Honnêtement, nous ne savions pas dans quel sens la situation sanitaire allait influencer les électeurs. Pour le coup, ces derniers ont surpassé les peurs et le chantage sur l’emploi brandi par la droite patronale, et notre slogan “Nous méritons plus que des applaudissements” a été entendu. Les Genevois se sont montrés solidaires avec tous ces gens qui ont assuré nos besoins essentiels pendant la crise, et pourtant si mal payés.»

Le mouvement féministe genevois a aussi été déterminant pour porter ce combat. «Quant à la conjonction avec le vote sur l’initiative de l’UDC, nous avons pu porter notre message, via la CGAS, dans la rue, à savoir “Protégeons les salaires, pas les frontières”, et la population a adhéré.»

Sans oublier les images des files d’attente aux Vernets pour obtenir des denrées alimentaires qui ont fait le tour du monde. «Cela a mis une image sur la précarité genevoise que nous dénonçons depuis des années, et qui ne concerne, de loin, pas que des sans-papiers», souligne Alejo Patiño.

Tous ces éléments, selon lui, ajoutés à la «très mauvaise campagne de la droite», ont fait pencher la balance en faveur du salaire minimum. «Pour une fois, les Genevois ont voté pour eux, et pas pour les intérêts des entreprises. Les opposants ont axé leur argumentaire sur des notions telles que la paix du travail et le partenariat social, complètement déconnectées de la réalité du quotidien de ces travailleurs.»

C’est pour quand?

Maintenant que l’essai a été transformé, la question de l’entrée en vigueur du salaire minimum interroge. Unia exige sa mise en place immédiate. Mais le Conseil d’Etat ne semble pas aussi pressé: Mauro Poggia a évoqué dans la presse genevoise une entrée en vigueur à la fin octobre…

«Nous allons être reçus ces prochains jours par le gouvernement pour discuter de la mise en place du salaire minimum, informe le secrétaire syndical. Si aucune opposition n’est formulée dans les trente jours, ce dernier devrait entrer en vigueur avant la fin 2020.»

Techniquement, les syndicats vont demander l’ouverture de négociations pour que l’ensemble des conventions collectives de travail et des usages soient revus et adaptés au nouveau salaire minimum. «Si une CCT prévoyait un salaire minimum de 23 francs pour un employé avec CFC, il n’est pas question que ce dernier gagne autant qu’un collègue non qualifié, illustre Alejo Patiño. Nous allons donc devoir revoir les classes salariales.»

Ne rien lâcher

Du côté des militants, c’est la joie et le soulagement. Si aucun rassemblement n’a été organisé le dimanche des votations, Unia Genève compte bien fêter cette victoire lors de son prochain comité régional. «Nous avons eu beaucoup de réactions de la part des comités du nettoyage, de l’économie domestique et de l’hôtellerie-restauration: les travailleurs sont ravis et nous ont beaucoup remercié pour notre engagement.»

Pour les syndicats, cette victoire en appelle d’autres. «La crise actuelle amène une série de problématiques contre lesquelles il va falloir lutter. La droite patronale ne va pas hésiter à justifier des licenciements à cause de la pandémie et maintenant du salaire minimum. La mobilisation doit donc redoubler.» Il faut aussi que cette victoire serve d’exemple, appelle Alejo Patiño: «Le Tessin, Neuchâtel et désormais Genève l’ont fait: c’est maintenant aux autres cantons de se battre pour un salaire minimum.»

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