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SOS violence institutionnelle

Il est temps d’ouvrir les yeux. Demain, il sera trop tard pour dire «on ne savait pas». Depuis trop longtemps, les associations venant en aide aux requérants d’asile dénoncent des cas de violence à leur égard. La semaine passée, enfin, quatorze agents de sécurité actifs dans des Centres fédéraux pour requérants d’asile, notamment dans celui de Boudry, ont été suspendus. Les révélations de plusieurs enquêtes médiatiques, notamment de la RTS, ont contraint le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) à cette mesure. Une broutille au vu des faits rapportés. Comme ceux relatés par Le Courrier l’année dernière. A Chevrilles, trois requérants avaient été battus: roué de coups pour l’un, empêché de rentrer dans le centre, la tête en sang, il s’est retrouvé aux urgences à Fribourg après une perte de connaissance. Un autre, saisi à la gorge et sorti du bâtiment par deux agents de sécurité parce qu’il avait osé se plaindre au directeur du ton agressif et injurieux utilisé à son encontre. Crise d’épilepsie et urgences pour lui aussi. Le troisième a été violemment poussé contre une vitre. Résultat, une grave blessure à la jambe, des tendons sectionnés et un gros handicap à la clé. En février dernier, c’est à Boudry qu’un requérant s’est trouvé en hypothermie avancée, abandonné dans une «cellule de dégrisement» par des agents de Protectas. Il a aussi dû être emmené aux urgences. Ces quelques exemples ne sont que la pointe de l’iceberg des exactions commises dans ces centres. 

Il y a une semaine, le SEM annonçait également qu’une enquête externe avait été mandatée au sujet de ces révélations sur un «usage prétendument excessif de la force dans les centres fédéraux». Prétendument excessif? Un usage de la force non excessif serait-il acceptable? Le SEM admet par ailleurs qu’il est nécessaire de revoir les modalités de recrutement des agents de sécurité ainsi que leur formation. Ce qui est bien évidemment à saluer, mais pas suffisant, la privatisation de ces tâches ne pouvant que pousser aux abus. L’année passée, certains agents révoltés par l’attitude de leurs collègues avaient osé témoigner. L’absence de formation, couplée aux conditions de travail extrêmement précaires du personnel de Securitas et de Protectas, les empêchant d’appréhender les situations terribles vécues par les requérants de tous âges, de toutes origines, au parcours jalonné pour beaucoup par la violence.

Une violence qu’ils retrouvent en Suisse. Une violence institutionnelle qui se répercute par de la violence verbale et physique dans les centres d’asile. La nouvelle Loi sur l’asile, les économies budgétaires et la privatisation de la surveillance confiée à des sociétés dont la seule préoccupation est de faire fructifier leurs bénéfices, ont détérioré la situation, bloquant toute approche humaine et empathique. Cette violence institutionnelle est aussi présente dans la politique européenne du non-asile, à laquelle participe la Suisse. Une politique qui ferme les frontières et pactise avec les pays limitrophes, condamnant des centaines de réfugiés à périr en Méditerranée ou entre les mains des trafiquants libyens.

Quelques jours avant les révélations de la RTS, la ministre fédérale de justice et police en charge de l’asile annonçait fièrement la conclusion d’un accord entre cantons et Confédération pour lutter contre une autre forme de violence, la violence domestique. Pas peu fière de cet accord, elle a affirmé, ingénue: «Vous savez, on a toutes et tous vécu le moment où on a nié le fait. On a complétement nié que ça existe. Ce n’était pas possible». Et maintenant, Madame Keller-Sutter, combien de temps faudra-t-il attendre pour reconnaître cette violence institutionnelle et physique perpétrée à l’égard d’êtres humains qui n’ont d’autre chose à se reprocher que de tenter de survivre, de vivre, après avoir fui de multiples violences dans leur propre pays?