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Silence assourdissant…

Vendredi passé, deux jours avant le coup d’envoi du Mondial de tous les excès, l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) lançait un cri d’alarme. Après des mois et des années d’efforts et d’engagements contre l’exploitation des ouvriers sur les chantiers de la Coupe du monde de foot, après des succès et des accords décrochés aux autorités qataries et à la FIFA, le syndicat mondial dit son désarroi: sa requête en faveur de réformes durables des conditions de travail au Qatar est restée sans réponse.

L’IBB rappelle qu’elle avait mis fin en 2016 à sa campagne «Carton rouge pour la FIFA», menée conjointement avec Unia, son affiliée, avec de nombreuses actions en Suisse où se trouve le siège de l’organisation internationale du foot. Grâce à l’engagement et à la mobilisation des syndicats, l’IBB avait pu signer un accord global permettant d’améliorer les droits de consultation des travailleurs et d’effectuer des contrôles des conditions de travail et d’hébergement sur les chantiers des stades.

En automne 2013 déjà, des syndicalistes s’étaient rassemblés devant le siège du ballon rond à Zurich pour dénoncer les conditions inhumaines dans la construction des infrastructures de la Coupe du monde. Durant l’été, 44 ouvriers népalais avaient trouvé la mort sur les chantiers, dont de nombreux jeunes ayant succombé à des crises cardiaques ou à des accidents du travail. Cette année-là, on dénombrait déjà, au total, six cents travailleurs décédés en lien avec ces travaux. Depuis, ce nombre a explosé, même si l’engagement et les inspections menées par l’IBB ont sans doute permis de limiter les accidents dans la construction des stades eux-mêmes.

On estime à des milliers le nombre d’ouvriers ayant perdu la vie pour faire émerger du désert les nombreuses infrastructures destinées à accueillir le Mondial. Le bilan humain est terrible. Même si le nombre exact des décès restera inconnu, ces derniers n’étant que rarement identifiés comme consécutifs aux conditions de travail. Et du côté des réformes des droits des travailleurs migrants, le bilan est mitigé. C’est bien ce qui inquiète l’IBB.

Saluant les progrès réalisés dans cette législation du travail, l’organisation syndicale internationale dit néanmoins avoir observé que de nombreux employeurs défient la loi, violent les droits de l’homme et perpétuent les injustices que les réformes étaient censées éliminer. Elle note aussi que malgré la politique en matière de droits humains adoptée par la FIFA, cette dernière ne semble plus y accorder la même priorité que lors de son élaboration. Une priorité qui a aussi disparu des radars de l’émir, sa coupe ayant démarré malgré les innombrables controverses qu’elle a suscitées.

L’IBB s’indignait vendredi car elle n’avait toujours pas reçu de réponse à sa demande de trouver un accord, avant la fin du Mondial, pour que les améliorations obtenues soient pérennisées et les droits de travailleurs migrants reconnus. Au contraire, note-t-elle, «un silence assourdissant s’est installé».

Un silence qui n’étonne guère. Les jeux sont faits, ou presque. Les lumières des stades s’éteindront le 18 décembre. Une date symbolique, celle de la Journée internationale des migrants… Qui pensera encore à ces travailleurs népalais, indiens, bengalis, pakistanais, philippins, africains qui espéraient trouver l’Eldorado au Qatar? A ces ouvriers qui ont laissé leur vie dans cet enfer de l’exploitation et des pétrodollars?