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Rente-pont: pauvreté en perspective…

Le projet de rente-pont pour chômeurs âgés se réduit comme peau de chagrin. En particulier pour les femmes qui, si les dernières propositions de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national passent la rampe, n’en verront même pas la couleur!

Ces prestations transitoires, présentées en octobre par le Conseil fédéral à la suite d’un accord avec les syndicats et le patronat, ont déjà été largement édulcorées par le Conseil des Etats en décembre. Ce dernier a notamment réduit leur montant maximum, qui est passé de quelque 4800 francs par mois à 3200 francs. Une misère pour un salarié en fin de carrière. Une somme insuffisante pour couvrir les besoins vitaux selon l’avis même du conseiller fédéral Alain Berset. De plus, le versement de la rente-pont ne serait possible que jusqu’au moment où la personne aurait droit à une rente anticipée de l’AVS, soit deux ans avant l’âge légal de la retraite. Conséquence: la rente AVS diminuerait pour le restant de sa vie de 13,6%! Cette solution serait encore plus catastrophique pour les femmes, dont le 2e pilier est très rarement à la hauteur pour permettre une compensation.

Pour couronner le tout, la Commission précitée a proposé la semaine dernière de reporter de 60 à 62 ans l’âge permettant de bénéficier d’une rente-pont. Les femmes, qui ont la possibilité de prendre leur retraite anticipée dans l’AVS à 62 ans, seront donc tout simplement exclues de cette prestation! Et les hommes ne pourront l’obtenir au mieux que durant une année.

Ce projet, vidé de son contenu, pourrait bien passer à la trappe lors de son examen par le Conseil national prévu à la session de printemps. S’il est accepté dans l’une de ses versions allégées, autant dire qu’il n’améliorera pas la situation des chômeurs âgés en fin de droit. Ces derniers n’auront pour seul recours que l’aide sociale. Or pour en bénéficier, ils devront encore se défaire des rares économies réalisées durant des années de labeur…

Leur chute dans la précarité et la misère est programmée. Dans une Suisse où le taux de pauvreté est toujours aussi élevé. En 2018, selon les résultats de la dernière enquête de l’Office fédéral de la statistique, 8% des habitants étaient en situation de pauvreté. 12,5% avaient des difficultés à joindre les deux bouts. Et 14,6% étaient en situation de risque de pauvreté, un taux plus élevé qu’en France. Des chiffres choquants dans l’un des pays les plus riches du monde. Où le nombre de personnes de 56 à 64 ans ayant dû recourir à l’aide sociale a doublé en dix ans.

Face à une telle situation, et à l’absence de volonté politique de faire un geste pour les chômeurs âgés, il est nécessaire de réfléchir à d’autres options pour soutenir des personnes qualifiées et expérimentées, mais discriminées sur le marché du travail. Dans certains pays, il existe une obligation pour les entreprises d’engager des personnes de 50 ans et plus. Dans la plupart des Etats européens, la discrimination en raison de l’âge est interdite par la loi, ce qui n’est pas le cas dans nos frontières. La Suisse est à la traîne des pays de l’OCDE en ce qui concerne le taux d’embauche des 55 ans et plus. Et les femmes seraient les principales victimes d’une telle discrimination. Alors que l’économie suisse craint de ne pas trouver suffisamment de main-d’œuvre qualifiée, il est urgent de se défaire d’une image fausse, et de rappeler que la performance au travail ne diminue pas avec l’âge.