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A quand un moratoire sur la numérisation de l’école?

Une enveloppe de 48 millions de francs pour développer l’éducation numérique dans toutes les classes du canton a été acceptée par le Grand Conseil vaudois, à l’unanimité, moins une voix, fin février. Ce montant s’ajoute aux 30 millions déjà octroyés en 2019. Or, des voix issues de la recherche et de l’enseignement s’élèvent contre cette hégémonie des outils informatiques et cette course en avant mue par l’idéologie du progrès néolibéral. Fin 2022, le Réseau vaudois des enseignantes et des enseignants pour l’environnement (REPE) a déposé une pétition munie de 2500 signatures pour demander un moratoire sur la numérisation de l’école.

Le collectif d’enseignants critiques face à l’école numérique rappelle que la généralisation des objets électroniques et des écrans est non seulement un désastre physiologique, neurologique et pédagogique, mais aussi social et environnemental. «Les émissions de gaz à effet de serre imputées au numérique sont estimées à deux fois celles de l’aviation et sont en pleine croissance. Les métaux nécessaires à son fonctionnement sont extraits des mines à grand renfort d’énergie fossile, de substances chimiques toxiques et d’immenses volumes d’eau, dans des conditions de travail souvent indécentes. Ces mines tuent, détruisent des écosystèmes et polluent l’environnement de populations précaires, tout comme le font les déchets électroniques à l’autre bout de la chaîne.» A l’heure où le GIEC a tiré une ultime sonnette d’alarme sur la crise globale liée aux bouleversements climatiques en cours, les autorités continuent de foncer tête baissée vers toujours plus de technologies polluantes, en favorisant de surcroît les programmes informatiques des géants de la Silicon Valley, rendant l’école dangereusement dépendante de leur business.

A l’heure où l’intelligence artificielle commence à montrer les inquiétantes prouesses dont elle est capable, des centaines d’experts appellent à un moratoire mondial. Ils évoquent «des risques majeurs pour l’humanité» au même titre que les armes nucléaires. Ne serait-il pas temps, en effet, d’appuyer sur le bouton «pause»? Quelle société voulons-nous? Et quelle école pour y contribuer? Pour le REPE, «faire face aux enjeux actuels et viser ainsi un projet de société compatible avec les limites planétaires suppose de repenser l’éducation en termes de pratiques d’enseignement, mais aussi en tant qu’institution politique». Remettre en question le système sélectif et concurrentiel sur lequel repose encore l’école est un premier pas. L’engagement de plus d’enseignants, mieux formés, et la diminution du nombre d’élèves par classe seraient autant de mesures véritablement porteuses d’égalité. Et pourquoi pas rêver à une école qui fasse la part belle à la bienveillance, aux expériences, à la participation, au respect du vivant pour donner autant d’outils possibles aux générations futures face aux défis à venir?