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Pratiques syndicales contestables

Alors voilà, Syndicom et Smood, la société de livraison de repas et de courses, ont négocié une convention collective de travail (CCT) d’entreprise. Le syndicat n’a pas pris la peine d’associer à cette démarche ni Unia ni les grévistes, sans lesquels elle n’aurait pourtant pas été possible. Les livreurs n’ont pas été consultés en amont, ils n’ont eu que quelques heures pour dire «oui» ou «non» au texte sans possibilité d’en discuter et sans garantie sur la confidentialité de leur vote. Dans un communiqué, Unia dénonce «un procédé antidémocratique et contraire à la liberté de coalition des salariés». Grosso modo, la CCT entérine les conditions actuelles et se situe en deçà des recommandations émises par la Chambre genevoise des relations collectives de travail. Nouveauté, l’employeur s’engage à proposer au moins deux heures de travail d’affilée et un minimum de quatre heures d’affectation par semaine. Oui, vous avez bien lu: quatre heures, seulement. Pas de quoi payer ses factures avec ça. «La CCT impose un modèle de temps de travail ultraflexible qui facilite le report du risque d’entreprise sur les salariés», dénonce Unia. La CCT pourrait toutefois être positive pour les livreurs engagés par Simple Pay s’ils peuvent en bénéficier. Rappelons que, dans la région lémanique, Smood fait appel à cette société sous-traitante rémunérant les livreurs à la minute en violation de la Loi sur le travail.

Cette CCT est tout bénef pour le CEO de Smood, Marc Aeschlimann. La précarité extrême dont sont victimes les livreurs fait tâche auprès des clients, ainsi que pour la réputation de son actionnaire et principal partenaire, Migros. La CCT doit lui permettre de démontrer qu’il respecte désormais la loi. Syndicom apporte une caution à ce Social Washing. Et, tant qu’elle ne couvre pas Simple Pay, la CCT ne lui coûte rien. Contrairement aux livreurs qui verront 0,25% de leur salaire ponctionné à titre de «contribution aux frais d’exécution» de la CCT. Il est toutefois prévu que les membres de Syndicom soient exemptés de cette taxe. Le syndicat, dont les membres chez Smood se comptent sur les doigts d’une main, peut espérer voir ses effectifs s’envoler quelque peu. Marc Aeschlimann, lui, va pouvoir continuer à compter ses sous – plus de 100 millions selon Bilan. Le Genevois est officiellement domicilié à Zoug, où le climat fiscal est connu pour être plus doux que dans la région lémanique.

Au vu de la précarité dans l’économie de plateforme et de la difficulté à y organiser les travailleurs, les syndicats devraient tirer à la même corde ou, au moins, ne pas se tirer dans les pattes. Le comportement de Syndicom interroge. Il faut préciser que seule la direction en porte la responsabilité. Les postiers, les employés des télécoms, les imprimeurs, les journalistes ou les libraires qui composent le syndicat y sont bien sûr étrangers. Malgré tout, cette CCT, même au rabais, constitue le dernier exemple en date des avancées obtenues par les salariés en lutte depuis l’automne dernier. Des avancées certes encore insuffisantes, mais bien réelles. La bataille doit se poursuivre.