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Pauvre un jour, pauvre toujours

Rien de nouveau, ou presque, sous un soleil dont tous ne profite définitivement pas de la même manière. Depuis une quarantaine d’années, le fossé entre les plus riches et les moins bien lotis continue de se creuser sur le Vieux-Continent, comme le révèle la dernière étude du Laboratoire sur les inégalités mondiales parue fin mars. Entre 1980 et 2017, les 1% d’Européens les plus fortunés ont vu leur revenu augmenter deux fois plus vite que celui des 50% les moins aisés. Au sommet de l’échelle des disparités, pour le millième des personnes aux portefeuilles les mieux garnis, la croissance a bondi de 200%! Dans la quasi-totalité des pays concernés, la hausse de la part du revenu national a été captée par les 10% des nantis. Alors que près de 22% des Européens vivent dans la pauvreté. Le Vieux-Continent, soulignent les auteurs de l’enquête, a toutefois mieux résisté à l’accentuation des inégalités que le reste du monde. Et plus précisément que les Etats-Unis où les rémunérations des plus modestes ont stagné durant cette même période. Piètre consolation, le système américain n’ayant jamais été un modèle dans la prise en compte des plus démunis. Quoi qu’il en soit, cette situation – propre à favoriser la montée des nationalismes – met une nouvelle fois en échec la théorie du ruissellement. Elle démontre que la redistribution par les impôts ne suffit pas. Que les mécanismes de protection et de régulation des salaires, de défense des travailleurs fonctionnent mal ou pas du tout, notamment dans les Etats où les syndicats ne pèsent guère. Ce sombre tableau est aussi directement lié aux politiques sociales, d’éducation et de formation mises en place par les Etats. Volet qui pourrait être renforcé si les pays de l’UE cessaient leur compétition perfide en matière de fiscalité. Une concurrence responsable de la baisse progressive des taux d’imposition. Et, partant, d’une manne susceptible, elle aussi, de réduire les disparités si elle était réinvestie dans les services publics.

En Suisse également, les écarts de revenus sont criants. Le dumping fiscal, la norme. Pour résoudre le problème, la Jeunesse socialiste suisse (JSS) a lancé l’initiative 99% qu’elle vient de déposer à la Chancellerie fédérale. Son appellation fait allusion au fait qu’une poignée de riches possède le même montant que quasi tout le reste de la population. Les remèdes des initiants? Imposer les revenus du capital 1,5 fois plus que ceux du travail. En clair, la JSS demande que les montants perçus sans lever le petit doigt – dividendes, loyers, intérêts, etc. – soient davantage taxés dès qu’ils dépassent la barre des 100000 francs. Un plafond qui devrait toutefois être décidé par l’Assemblée fédérale. Avec, à la clef, l’idée d’une redistribution des recettes vers les classes moyennes et populaires. Gains qui pourraient servir à payer les primes d’assurance maladie ou à réduire l’impôt sur les salaires. Tout en combattant de facto les mesures d’austérité générées par les trous dans les caisses de l’Etat, allégements fiscaux obligent. Une proposition qui aura toutefois de la peine à passer la rampe comme on l’a vu avec le refus de plusieurs projets similaires antérieurs. Des choix le plus souvent dictés par la peur instillée par la droite prédisant le départ des riches, un frein aux investissements, des menaces sur l’emploi. Alors que la notion de privilèges reste envers et contre tout bon sens encore trop souvent admise. La résignation, hélas! à l’œuvre.