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Quasi un siècle et demi: voilà le temps qu’il faudra en moyenne travailler pour gagner autant que le manager d’une grande entreprise en un an. 143 ans précisément! Un chiffre ahurissant qui donne la mesure de l’écart entre les plus hauts et les plus bas salaires, même si celui-ci a légèrement reculé en 2017, comme le démontre l’étude d’Unia menée dans 39 sociétés. Un baromètre révélateur, une fois de plus, des changements mineurs intervenus dans le domaine malgré l’acceptation pourtant claire de l’initiative Minder. Un texte adopté par la population en 2013 visant à barrer la route, ou tout au moins freiner, les rémunérations abusives. Cinq ans plus tard, les paies des managers des grandes sociétés continuent à flirter allègrement avec l’indécence. A atteindre des sommets vertigineux dépassant l’entendement. Qui peut en effet justifier d’un job valant plusieurs millions annuellement? Quelles compétences, expériences, facultés extraordinaires méritent d’être récompensées de la sorte? Une question que ne s’est certainement pas posée Sergio Ermotti, le numéro un d’UBS, qui a empoché l’an dernier l’astronomique somme de 14 millions de francs brut et des poussières, soit 3,6% de plus qu’en 2016. Par comparaison, le collaborateur touchant le plus bas salaire de la banque a gagné 273 fois moins que son big boss. Le CEO le mieux payé de Suisse est talonné par son homologue de Novartis (plus de 13 millions), juste avant son concurrent de Roche, moins bien loti d’un petit million et demi, suivi par celui d’ABB... Un classement qui continue à se décliner en millions et au masculin, seule une femme dans les entreprises examinées par le syndicat occupant un poste de CEO. Une dénommée Jasmin Staiblin, patronne d’Alpiq, qui pour sa part s’est contentée de deux petits millions en 2017. Les femmes seraient-elles moins cupides? Difficile de le savoir, celles-ci n’occupant jamais ou presque des postes à de tels niveaux. Une sous-représentation au plus haut de l’échelle professionnelle qui explique peut-être aussi le manque de considération accordée à la question de l’égalité salariale dans les strates inférieures, en l’absence de présidentes directrices générales susceptibles d’être plus sensibles à la problématique... 

Autre constat d’Unia: si les bénéfices des 39 sociétés prises en compte ont baissé de 24%, la situation n’a guère affecté les CEO. Qui ont vu de leur côté leur porte-monnaie s’alléger en moyenne de 3,4%. Autant dire des clopinettes. Et sachant encore que si l’on additionne aux 172 millions de revenus perçus par les patrons de ces entreprises les «extras», entre bonus, primes, etc., on parvient à un milliard de francs. Un montant qui permettrait, histoire de remettre les choses en perspectives, d’épauler un an durant 100 000 pauvres dépendant de l’aide sociale!

Au final, une seule et toujours même désespérante certitude: pas de progrès en matière de répartition des richesses, profitant toujours aux mêmes nantis. Mais comme dit un proverbe breton: il pleut toujours où c’est déjà mouillé. En d’autres termes, l’argent va à l’argent. Une promesse de rester pour nombre d’exploités encore longtemps à (au) sec...