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Mise en péril de toutes les mesures d'accompagnement

Sur un chantier, une machine bloquée par une barrière rouge.
©Thierry Porchet

Hors de question d’ouvrir des négociations sur l’accord-cadre. Pour les syndicats, les mesures d’accompagnement constituent une ligne rouge intangible.

L'Union européenne réitère son exigence d'abroger les protections des salaires en Suisse. Réaction de l'Union syndicale suisse

Depuis 2010 déjà, le Conseil des ministres de l’Union européenne (UE) exige de la Suisse l’abrogation des mesures d’accompagnement. Dans ses nouvelles «Conclusions sur les relations de l’UE avec la Confédération», adoptées le 19 février, le Conseil réitère cette demande. Si les ministres prennent note de la fin des négociations, engagées en 2014, sur l’accord-cadre institutionnel devant chapeauter les accords actuels et futurs, ils déplorent «vivement que le Conseil fédéral suisse n’ait pas approuvé le fruit de ce travail en décembre 2018». Ils expriment également leur «inquiétude concernant la mise en œuvre incohérente de certains accords et l'application par la Suisse de mesures et de pratiques législatives ultérieures incompatibles avec ceux-ci, en particulier avec l'accord sur la libre circulation des personnes». Il s’agit là des mesures visant à protéger les salaires et les conditions de travail dans notre pays. «A cet égard, poursuit le texte, le Conseil demande instamment à la Suisse d'adopter l'acquis de l'UE pertinent, notamment en ce qui concerne les travailleurs détachés, ainsi que d'abroger ou de modifier les mesures d'accompagnement que la Suisse applique aux opérateurs économiques de l'UE qui fournissent des services sur son territoire.»

La règle des huit jours et les cautions sont concernées, mais pas seulement. Toutes les autres dispositions seraient menacées par l’accord-cadre, souligne l’Union syndicale suisse (USS) dans un communiqué. Les mesures d’accompagnement seraient ainsi soumises à la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE (CJUE), et tant les autorités que les entreprises européennes pourraient les attaquer. Daniel Lampart, premier secrétaire et économiste en chef de l’USS, précise: «L’instrument principal pour le contrôle des salaires en Suisse sont les conventions collectives de travail (CCT) et les commissions paritaires. Un arrêt de la CJUE met en péril ce dispositif sur deux aspects. D’abord sur le nombre de contrôles. Actuellement, il y a environ 30 à 40% de contrôles chez les entreprises détachant des travailleurs, alors que ce taux est d’environ 5% pour les sociétés suisses. La Cour pourrait conclure que c’est discriminatoire, et il faudrait diminuer le nombre de contrôles dans les entreprises venant de l’UE. Le deuxième point concerne l’application des CCT par les commissions paritaires. Ce système est unique en Europe. Et il y a un grand risque de mettre en danger cette surveillance privée et les sanctions qui en découlent.»

Interprétations contradictoires

La semaine passée, la NZZ dévoilait les conclusions d’une expertise juridique commanditée par une commission parlementaire, sur demande du conseiller national et dirigeant d’Unia Corrado Pardini. Selon les experts, la règle des huit jours n’est pas compatible avec l’Accord sur la libre circulation des personnes. Pour Daniel Lampart, il s’agit là d’une lecture particulière de cet accord qui peut être interprété d’une autre manière. «L’accord sur la libre circulation précise que nous devons offrir aux travailleurs européens les mêmes conditions de vie et de travail que celles des nationaux. Or, la règle des huit jours permet justement de savoir où se trouvent les travailleurs détachés et d’imposer qu’ils soient traités comme les salariés de Suisse, afin d’éviter toute discrimination.» Le syndicaliste constate que le Conseil de l’UE prend aussi comme point de départ l’accès au marché suisse et non la protection des travailleurs. «L’accord de libre circulation est positif, car il a permis d’abolir le statut de saisonnier et d’améliorer l’obtention du permis B. Mais il a aussi facilité l’emploi des temporaires et ouvert le marché du travail. C’est pour faire face à ces deux causes de précarité que les syndicats se sont battus pour des mesures d’accompagnement puissantes.»

«Il n’y a rien à négocier!»

Pour l’heure, l’accord-cadre institutionnel est toujours en consultation. Le Conseil fédéral fera le point au printemps. L’USS, qui sera bientôt entendue sur ce plan, continue à s’y opposer fermement. «Il n’y a rien à négocier!» réaffirme Daniel Lampart. «L’USS va proposer au gouvernement de stopper toute discussion à ce sujet, poursuit le syndicaliste. Il faut d’abord se battre contre la proposition de l’UDC de résilier les bilatérales, qui sera discutée cette année au Parlement, et soumise au vote probablement en 2020.» Quant aux sanctions de l’UE en cas de report ou de non-signature de l’accord-cadre? «On ne peut les exclure. Mais on est obligé de prendre ce risque si l’on veut qu’en Suisse, on paie des salaires suisses.»

Plus d’infos: uss.ch

 

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