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Liberté syndicale attaquée

Assez d’hypocrisie, assez de tergiversations! Combien faudra-t-il encore de délégués syndicaux, de représentants du personnel, de membres des syndicats, sacrifiés sur l’autel d’un partenariat qui n’a bientôt de social que le nom? Combien faudra-t-il de vies brisées, d’engagements pour les autres sanctionnés? Combien de temps faudra-t-il encore attendre avant que la liberté syndicale soit respectée dans ce pays?

Le licenciement il y a trois semaines d’un jeune horloger à la vallée de Joux, militant d’Unia et délégué syndical dans son usine, vient de démontrer une fois de plus qu’en Suisse, les droits des travailleurs sont piétinés par le patronat. Depuis deux ans et demi, ce militant a eu à cœur de porter la voix de ses collègues, de chercher à améliorer leurs conditions de travail, de faire respecter la Convention collective de l’horlogerie à laquelle son entreprise est assujettie. Durant cette période, il a organisé un comité ouvrier, débattu des revendications. A deux reprises, il les a présentées, avec succès, à la direction. Des exigences simples, relatives au respect de la Convention collective au sujet des heures de travail.

Pour avoir demandé le respect des droits des ouvriers, le jeune délégué a été sanctionné brutalement, par la perte de son travail, par la perte à venir de son savoir-faire d’horloger-rhabilleur, le monde de l’industrie horlogère de luxe allant se refermer devant lui.

La direction nie le licenciement antisyndical. Elle a trouvé une erreur. Muée en faute professionnelle grave. Un prétexte, comme bien d’autres patrons en ont utilisé avant elle. Car licencier un syndicaliste n’a pas bonne presse. Même si les entreprises ne risquent pas grand-chose, à part un déficit d’image. En Suisse, un tel licenciement est légalement «valable». S’il est, par la suite, reconnu comme abusif, le patron devra verser une indemnité de un à six mois de salaire au maximum. Pas bien cher le licenciement. Pas chère la peur obtenue dans les ateliers. Pas cher le coup porté au syndicat…

La réintégration des personnes licenciées abusivement n’étant pas prévue par la loi, Unia, avec l’appui de l’Union syndicale suisse (USS) et d’autres organisations, a choisi la voie de la mobilisation pour obtenir le retour du jeune horloger à son poste de travail, avec son mandat de délégué.

Sans réintégration possible, les droits syndicaux ne sont qu’un miroir aux alouettes, et le patronat peut les fouler aux pieds à chaque occasion. En 2006, à la suite d’une plainte de l’USS, le comité de la liberté syndicale de l’Organisation internationale du travail (OIT) enjoignait à la Suisse de prendre des mesures pour protéger les délégués syndicaux, en prévoyant notamment leur réintégration. Depuis, rien n’a changé. Des nouveaux cas de licenciement ont été déposés à l’OIT, en tout 35, plus ceux des grévistes de la Providence. Des séances tripartites. Des rapports. Des expertises. Toujours rien. Depuis treize ans, gouvernement et patronat s’accordent pour ne rien faire. En juin dernier, la Suisse a échappé de peu à l’examen de la commission des normes de l’OIT, le Conseil fédéral ayant promis l’ouverture d’une médiation entre les partenaires sociaux. Une médiation secrète, dont rien ne filtrera durant une année... De nouveau, on nous jette de la poudre aux yeux. Et pendant ce temps, le patronat continue de liquider des représentants du personnel. C’en est assez! Il faut agir, et vite. Faute de quoi, les syndicats s’affaibliront inexorablement, amputés peu à peu de leurs affiliés les plus dévoués.