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Les plus précaires en ligne de mire

Action à Genève où des travailleurs temporaires vétus de masques chirugicaux et casquettes Unia affichent leurs revendications.
© Neil Labrador

Plusieurs temporaires se sont déplacés la semaine dernière sous les fenêtres des autorités cantonales, à la rue de l’Hôtel-de-Ville à Genève.

Les travailleurs temporaires sont les premières victimes de cette crise sanitaire liée au Covid-19. Unia demande qu’un fonds de soutien leur soit accordé

«Précaires au travail. Sans revenu face à la crise sanitaire.» Le 22 avril, plusieurs travailleurs temporaires de différents secteurs ont témoigné de leur situation lors d’une conférence de presse d’Unia, tenue sous les fenêtres des autorités cantonales. Le syndicat estime qu’ils sont 350000 en Suisse et au moins 15000 à Genève: une population souvent précaire qui a été la première à payer les frais de la crise sanitaire du coronavirus.

«Dès les premières annonces du Conseil fédéral, nous avons eu des centaines de cas de travailleurs temporaires licenciés dans le canton, explique Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d’Unia Genève. Sans compter les travailleurs frontaliers que nous avons du mal à quantifier.» Si le Conseil fédéral a revu sa copie en permettant dès le 21 mars à cette catégorie de travailleurs de bénéficier du chômage partiel, c’était déjà trop tard pour les personnes concernées par cette première vague de licenciements…

«Si la situation s’est améliorée à partir du 21 mars, cela ne concerne en réalité qu’une minorité d’intérimaires, nuance le syndicaliste. Car pour être éligible aux RHT, il faut des revenus stables, sans trop de variations de salaire. Ceux qui ont une mission longue, en CDI, sont donc mieux lotis que ceux qui ont un parcours discontinu, qui n’auront pas assez cotisé pour avoir droit aux indemnités.» Les plus précaires se retrouvent donc exclus de ces mesures.

Enfin, Unia précise que de nombreux intermédiaires, à l’image des plateformes type Uber, UberEats ou MénageSimple, ne se déclarent ni comme employeurs ni comme agences temporaires, et ne peuvent donc pas prétendre aux RHT pour leurs employés.

Revendications

Dans ce contexte, Unia réclame dans un premier temps que le principe de responsabilité solidaire soit appliqué. «Nous appelons les entreprises qui utilisent cette main-d’œuvre à prendre leurs responsabilités», souligne Alessandro Pelizzari.

«Par ailleurs, nous demandons avec l’USS que soit mis en place un fonds fédéral de soutien pour venir en aide aux salariés précaires, à l’image du fonds imaginé pour les indépendants.» Cette exigence a été doublée au niveau local auprès du Conseil d’Etat genevois. «Après des semaines de discussions, nous avons reçu une invitation pour débattre des contours d’un tel fonds sous l’égide du conseiller d’Etat Thierry Apothéloz», se réjouit le responsable syndical. «Les choses bougent et nous espérons que cette séance aboutira à une solution qui profitera aux plus précaires.»

Témoignages

Louiza*, femme de ménage

«Je travaille pour MénageSimple en tant que femme de ménage pour les particuliers et les entreprises, qui fixe nos heures de travail et notre salaire. Avant l’épidémie de Covid-19, je travaillais jusqu’à 150 heures par mois, mais le mois dernier je n’ai fait que 50 heures, car la plupart des clients ont annulé les prestations comme ils sont confinés chez eux. Certaines familles ont proposé de continuer à nous payer pour que nous ayons notre salaire complet, mais MénageSimple a fait annuler les prestations, nous ne touchons donc que les rares heures que nous effectuons dans le mois. Une collègue a reçu 87 francs le mois dernier. Ce qui est rageant, c’est que nous risquons notre santé sur le terrain et nous ne sommes pas payées à notre juste valeur. Quant à MénageSimple, ils se déchargent de leurs responsabilités et ne compensent pas nos pertes de salaire.»


Antonio, maçon

«Je suis arrivé en Suisse en 2014 et, depuis, je n’ai jamais réussi à obtenir un contrat fixe. A 54 ans, je suis trop vieux et trop cher pour qu’on m’embauche en fixe. Je suis donc temporaire dans la construction. Le 18 mars, mon agence temporaire a mis fin à mon contrat, juste après les annonces officielles en lien avec le coronavirus. Cela faisait deux ans et demi que j’étais chez Implenia. Ils me doivent encore plus de 1500 francs de vacances non prises en 2019. J’ai pu m’inscrire au chômage normal, mais c’est donc à moi d’assumer cette crise en prenant sur mon droit au chômage, ce n’est pas juste.»


Francesca*, industrie alimentaire

«Je suis venue d’Italie il y a neuf mois, car l’agence One Placement me proposait un emploi temporaire chez Ronin Primeurs, consistant en la préparation des aliments. Je n’avais jamais fait cela avant mais ce boulot ne requérait aucun diplôme particulier. Le 12 mars dernier, alors que la fermeture des écoles venait d’être annoncée, l’agence nous a dit qu’il n’y avait plus de travail, que notre activité était suspendue en attendant la reprise. Mes heures effectives ont été payées jusqu’au 12 mars et, depuis, je n’ai plus rien touché. Je n’ai pas formellement été licenciée, mais on nous a envoyé les attestations pour nous inscrire au chômage, donc la situation est floue. Et en même temps, comme cela est arrivé avant que les temporaires puissent toucher le chômage partiel, je n’y aurai pas droit. Quant au chômage classique, je n’aurai sans doute pas assez cotisé pour espérer en bénéficier. C’est très difficile, car nous avons des familles à charge.»

*Prénoms d’emprunt.

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