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La tête d’un syndicaliste mise à prix

Ce pourrait être le scénario d’un bon polar. RTL rapporte que Muriel M., la patronne d’une société de plasturgie installée près d’Oyonnax, petite ville de l’Ain à une heure de route de Genève, a été arrêtée début mai. Elle est poursuivie pour avoir commandité l’assassinat d’un salarié jugé gênant, Hassan T. Fin 2019, ce mécanicien de 52 ans, adhérent de la CGT et père de famille, est élu au comité d’entreprise. La dirigeante craint alors qu’il ne forme une section syndicale, elle lui propose une rupture conventionnelle qu’il refuse. Elle s’ouvre à une connaissance, Frédéric V., un expert en sécurité et intelligence économique, en lui confiant qu’elle souhaiterait qu’il «disparaisse». «Il m’a dit qu’il avait la possibilité de le faire», raconte-t-elle aux enquêteurs. Le contrat est conclu par téléphone. Hassan T. doit être éliminé contre 80000 euros à régler en quatre factures. Fréderic V. a en effet constitué une cellule criminelle au sein d'une loge franc-maçonne mêlant anciens policiers du renseignement et agents secrets. Le contrat sur le syndicaliste est confié à l’un des tueurs du groupe barbouze. L’opération sera heureusement stoppée à la suite de la découverte par la police d’une autre tentative d’assassinat, dirigée cette fois contre une coach en entreprise de la région parisienne. «Ça me fait bizarre tout cela, même si j'ai été emmerdant, je n’ai jamais été mauvais au point qu’on en veuille à ma vie», a déclaré, ébranlé par ces révélations, Hassan T. aux policiers.

Ce fait divers s’inscrit dans un contexte français de démantèlement des acquis, de mépris pour les classes populaires et de diabolisation des travailleurs en lutte. Entamée par Sarkozy, la criminalisation des mouvements sociaux s’est poursuivie sous Hollande et accentuée avec Macron. Le climat culturel et social se dégrade et l’on assiste à une montée de la violence politique. Avant que le président ne soit giflé, des syndicalistes de la CGT avaient été violemment pris à partie le 1er Mai à l’issue du défilé parisien. Quatre cégétistes avaient été blessés grièvement. Plus récemment, deux youtubeurs ont simulé dans une vidéo de vingt minutes l’exécution d’un «gauchiste» et donné des conseils pour acquérir des armes. Il faut ajouter à ce tableau inquiétant, les polémiques sur le prétendu «islamo-gauchisme», un appel lancé par des militaires factieux et les bons sondages de Marine Le Pen. En quelques tweets, Raphaël Enthoven a expliqué pourquoi il choisirait la présidente du RN face à Jean-Luc Mélenchon: «Plutôt Trump que Chavez», a écrit celui qui se présente comme un philosophe, en résumant le sentiment d’une partie de la bourgeoisie pour qui l’extrême droite ne constitue plus un interdit.

A une autre époque, certains avaient préféré Hitler au Front populaire. Les mois qui viennent seront décisifs. Encore une fois, les syndicalistes auront un rôle essentiel à jouer. Il leur faudra continuer à défendre les valeurs de fraternité et d’égalité portées depuis toujours par le mouvement syndical, ramener à la raison les collègues tentés par les sirènes d’extrême droite et construire la réponse forte et unitaire du monde du travail aux attaques contre les libertés et les droits sociaux.