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La honte doit changer de camp

«Une fois, j’ai mis une salopette et un T-shirt à manches courtes et le doyen du collège m’a renvoyée pour tenue inadéquate. Il m’a dit qu’il n’imaginait pas à quel point ça devait déranger les jeunes garçons en effervescence.» «En cours de droit, une de mes camarades portait un crop top (T-shirt court) et le prof lui a dit: “Il ne faut pas s’étonner si les femmes se font violer en mettant des habits pareils.”» «Le doyen me dit un jour: “Et c’est quoi cette tenue? Regarde-toi, tu ressembles à une pute!” Je portais un simple jean et un T-shirt basique plus tellement à ma taille, rien d’extravagant. J’avais 12 ans.» «Ce que l’ancien directeur adorait faire, c’est qu’il se mettait dans les couloirs du cycle pendant la pause et allait vers les filles, jamais les garçons, pour juger leur tenue, pour soit leur donner un T-shirt de la honte, soit un renvoi.» Ces quelques témoignages d’(anciennes) élèves ou d’étudiantes genevoises, recueillis parmi tant d’autres sur les comptes Instagram sexisme-geneve et balance_tonecole au cours de cette année, montrent le malaise ambiant.

La polémique fait rage depuis la rentrée des classes, en Suisse mais aussi en France. Au centre du débat, ces établissements scolaires qui ont décidé de réglementer les tenues vestimentaires des élèves. Enfin, manifestement, c’est plutôt la façon de s’habiller des filles qui dérangerait. Jupes jugées trop courtes, décolletés trop profonds, soutiens-gorges apparents, absence de soutien-gorge, chair du ventre visible: rien ne va plus! Chez nos voisins, le ministre Jean-Michel Blanquer a été la risée du Net en appelant les jeunes à porter des tenues «républicaines» pendant que le philosophe polémiste Alain Finkielkraut osait avouer à la télévision que «croiser dans la rue des jeunes filles en crop top le déconcentrait». L’institut de sondage Ifop a atteint le summum de l’indécence en lançant un sondage demandant aux Français: «Qu’est-ce qu’une tenue correcte pour les filles au lycée?» En attendant, personne n’a jugé bon de sonder le peuple sur les joggings, les jeans troués, les slips qui dépassent et les casquettes portées par les garçons… Au bout du lac, c’est l’affaire du «T-shirt de la honte» dans les cycles qui défraie la chronique. Un T-shirt ample tombant jusqu’aux genoux sur lequel est inscrit «J’ai une tenue adéquate» imposé aux élèves qui ne seraient pas habillés comme il se doit, sous peine de renvoi.

Des deux côtés de la frontière, les filles se mobilisent pour dire stop! Stop au sexisme à l’école, stop aux diktats de nos sociétés patriarcales et stop à l’hypersexualisation de leur corps. Marre d’être réduites à des objets de désir ou encore à des fautrices de troubles à la merci de la libido masculine, elles veulent l’égalité, la vraie. Féministes en herbe, elles l’ont déjà compris: le problème ce n’est pas ce qu’elles portent, mais le regard qu’on pose dessus. Au lieu de rhabiller nos gamines, ne serait-il pas temps d’éduquer nos garçons?