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Jordanie, perle du désert et fiction démocratique

Petra, un site majestueux blotti entre les canyons des vallées du sud de la Jordanie.
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Petra, un site majestueux blotti entre les canyons des vallées du sud de la Jordanie.

La Jordanie et ses sites historiques, en particulier Petra, forment l’un des plus beaux spectacles visuels de la planète. Mais la médaille a son revers, en ce sens que la Jordanie connaît moult problèmes, et que son système démocratique relève de la fiction

«Voir Naples et mourir.» A cette traditionnelle expression, nous préférons désormais celle de «Voir Petra et mourir», car ce site est assurément l’un des plus fascinants du monde, avec le Machu Picchu au Pérou, Abou Simbel en Egypte ou le Taj Mahal en Inde.

Capitale des Nabatéens

Blottie entre les canyons érodés des vallées du sud, non loin d’un merveilleux désert, Petra était la capitale des Nabatéens, peuple commerçant qui, à partir du VIe siècle av. J.-C., domina la région jusqu’à l’arrivée des Romains. Les façades du site – gigantesque – sont impressionnantes, dont les couleurs orange rosé varient avec la lumière. Mais d’autres lieux de Jordanie méritent aussi le détour, en particulier les rives de la mer Morte, la citadelle d’Amman ou encore la route des Rois, empruntée depuis des millénaires.

Allié des Etats-Unis

La Jordanie, traditionnellement proche des Etats-Unis, qui la considère comme un allié stratégique et une sorte «d’Etat-tampon» entre Israël et le monde arabe, est l’un des pays les plus tranquilles du Proche-Orient, où les relations interreligieuses sont pacifiées et dont le caractère policier est nettement moins marqué que celui de l’Etat hébreu.

Manque d’eau et overdose automobile

Malgré tout, le pays doit affronter de nombreux défis:

• La Jordanie souffre cruellement d’un manque d’eau.

• La population vit pour l’essentiel (90%) dans les villes et plus du tiers dans la capitale Amman, ce qui crée de profonds déséquilibres.

• Contrairement à la plupart des pays arabes, le sous-sol jordanien ne contient ni pétrole, ni gaz.

• De ce fait, les ressources du pays se limitent au tourisme (parfois excessif, il y a 75 hôtels autour du site de Petra), à l’agriculture et aux phosphates.

• L’absence de pétrole n’empêche pas une circulation automobile délirante. A Amman et sur le réseau autoroutier, on observe un flot continu de millions de voitures. Il existe certes des transports publics, mais en l’espace d’une journée, nous n’avons repéré que… trois bus! Il y avait autrefois un train qui conduisait à La Mecque, mais aujourd’hui, il n’est plus utilisé que pour des tournages de films. Les énergies renouvelables (solaire et éolien) sont toutefois en constant développement.

On bosse beaucoup

On nous a affirmé que les fonctionnaires travaillent six heures par jour et les salariés du privé sept. Vérification faite, la législation précise que la durée du travail est de 48 heures par semaine au maximum. Mais cette durée est fréquemment dépassée. Chauffeurs et guides travaillent 12 heures par jour (le nôtre n’a pas eu un seul jour de congé depuis trois mois), alors que la plupart des commerces sont ouverts jusqu’à minuit. Le chômage touche 18% de la population active et ceux qui perdent leur emploi ne perçoivent aucune indemnité. Ces problèmes sont d’autant plus difficiles à régler que, s’il existe des organisations professionnelles en Jordanie, au sens corporatiste du terme, les syndicats proprement dits sont quasi inexistants. Constat plus positif, les hommes prennent leur retraite à 60 ans, les femmes à 55 ans.

Le drame des réfugiés

A la suite des guerres qui ont ravagé le Proche-Orient et du fait qu’Israël n’a cessé de les pourchasser, près de 700000 Palestiniens ont trouvé refuge en Jordanie. Ceux qui sont là depuis la guerre de 1948 sont considérés comme des citoyens jordaniens, mais pas ceux qui sont arrivés par la suite. Ces derniers espèrent toujours rentrer en Palestine, mais selon notre guide, cet espoir ne se réalisera pas. Manière politiquement correcte de dire que la solution à deux Etats (Israël et Palestine) ne verra jamais le jour.

Démocratie de façade

La Jordanie est une monarchie constitutionnelle. Mais le roi Abdallah II dispose de pouvoirs nettement plus étendus que Charles III, roi d’Angleterre. Le Parlement est composé de deux Chambres. Le roi nomme les 50 membres du Sénat, alors qu’une grande partie des 130 membres de la Chambre des représentants sont majoritairement issus des tribus fidèles au régime. La participation ne dépasse pas les 30%, ce qui ne favorise guère l’accès des classes populaires aux institutions. Comme le souligne Pénélope Larzillière (La Jordanie contestataire, Actes Sud), on se trouve en présence d’un «libéralisme autoritaire qui intègre façade démocratique et libéralisme économique».

La gauche orpheline

La même sociologue ajoute que «l’échec du communisme soviétique et du nationalisme panarabe a rendu une grande partie de la gauche arabe (et donc jordanienne) orpheline de ses références principales, mais la reprise du socialisme par des régimes autoritaires arabes en a disqualifié une autre partie». Les Printemps arabes de 2011 n’ont malheureusement pas changé la donne, même s’ils ont renouvelé le militantisme.

Rapprochement saoudo-jordanien

Le 1er juin dernier, décrété jour férié, les noces du prince héritier Hussein avec une jeune architecte saoudienne, Rajwa Al-Saif, ont donné lieu à d’énormes manifestations de joie et de nationalisme – les portraits de la famille royale sont omniprésents –, après une période de marasme économique. L’amour n’est pas étranger à cette union, mais, comme l’a noté Laure Stephan dans Le Monde, ce mariage symbolise aussi le rapprochement saoudo-jordanien, après des années de relations tendues. Selon un expert, «la Jordanie a besoin d’une relation stable avec l’Arabie saoudite, qui est à sa frontière et constitue le hub régional de demain avec ses ambitions économiques». Reste à savoir si l’intensification des relations entre les deux pays fera l’affaire des Palestiniens de Jordanie, du fait que l’Arabie saoudite normalise progressivement ses relations avec… Israël.

Dix-huit fois moins riche que la Suisse

Capitale: Amman.

Langue officielle: arabe.

Religions: islam, pour 92% de la population; 6% de chrétiens; 2% de Druzes.

Unité monétaire: dinar jordanien.

Population: 11 millions d’habitants, dont 90% d’urbains, près de 700000 réfugiés palestiniens et quelques milliers de Berbères non sédentaires.

Superficie: 89000 km2.

Espérance de vie: hommes 72,8 ans; femmes 74,2 ans. Pour les deux genres, cela fait grosso modo dix ans de moins qu’en Suisse.

Alphabétisation: hommes 99%; femmes 98%.

Revenu annuel par habitant: 4310 dollars, soit 18 fois moins qu’en Suisse. K

 

De l’indépendance à un mariage politico-amoureux

1946. Jusque-là sous mandat britannique, le royaume hachémite de Transjordanie devient indépendant le 22 mars.

1948. En mai, la proclamation de l’Etat d’Israël déclenche la guerre israélo-arabe.

1967. Guerre des Six Jours. La Jordanie se retrouve amputée de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie, occupée par Israël.

1970. Septembre noir: violents combats entre les troupes royales et les Palestiniens, parmi lesquels on déplore 10000 victimes.

1994. Signature du traité de paix avec Israël, six ans après le désengagement de la Jordanie des négociations sur la Cisjordanie.

2003. Seconde guerre du Golfe: la Jordanie offre des facilités à l’armée américaine sur son territoire.

2011. Printemps arabe en Jordanie.

2023. Mariage du prince héritier avec une Saoudienne. K